Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Si l’œuvre de Hervé Di Rosa consacrée à l’abolition de l’esclavage « n’a pas sa place à l’Assemblée nationale », comme le prétend une tribune publiée dans l’Obs, le 4 avril, pourquoi avoir attendu si longtemps (l’une des pétitionnaires indique l’avoir vue il y a un an, et l’œuvre est exposée depuis 28 ans) pour la dénoncer ? C’est que l’offense, sans doute ressentie de façon sincère, attendait son agenda. L’annulation des Suppliantes d’Eschyle à la Sorbonne, le mois dernier, semble avoir ouvert la voie à cette nouvelle demande de censure qui fait l’économie de plusieurs points fondamentaux.
Cette œuvre est entourée d’autres œuvres du même artiste qu’il suffit de regarder pour voir que les traits reprochés, notamment la bouche surdimensionnée, se retrouvent dans tous les personnages de Di Rosa, quelle que soit la couleur de leur peau. Il en va de même pour les yeux, qui ne sont pas exorbités mais surdimensionnés. Le sourire des personnages de Di Rosa n’est ni béat ni carnassier, ou s’il l’est, cela relève d’une interprétation qu’il appartient à celui qui l’émet de défendre dans le cadre du débat critique. Il est symptomatique qu’à l’appui de l’accusation de racisme émise contre l’œuvre les signataires de cette tribune recourent (comme tous les censeurs) à des arguments qui relèvent à l’évidence de la subjectivité.
L’Observatoire de la liberté de création ne peut donc que réaffirmer ce que la Cour européenne des droits de l’Homme rappelle tout au long de sa jurisprudence : les œuvres sont libres, y compris libres de choquer, elles sont polysémiques et donc offertes au débat quant à leur interprétation. Dès lors qu’elles ne sont pas fondées sur un projet intentionnellement et explicitement discriminatoire (ce qui constituerait une limite légitime à la liberté de création, comme l’ont jugé les tribunaux à propos de Dieudonné par exemple), elles ne peuvent être censurées.
Si certains pensent le contraire, qu’ils saisissent les tribunaux, auxquels la pétition de quelques-uns ne saurait se substituer.
Paris, le 11 avril 2019