Rendre compte de l’activité de la LDH reste un exercice vertigineux. Le foisonnement des raisons d’agir, la multiplicité des terrains d’intervention, les modalités d’apparition… C’est tout un ensemble d’informations et de données qu’il faut ordonner. Une visite de notre site Internet montre à l’évidence cette forte activité et la lecture du « Rapport annuel » et du « Rapport des régions » permet une vision analytique de l’action de la Ligue des droits de l’Homme. D’abord sur ses terrains habituels d’intervention où elle reste fortement ancrée : égalité d’accès à tous les droits, défense et promotion des libertés publiques, dénonciation et lutte contre toutes les formes de discrimination, droits des étrangers, etc. Mais la conjoncture politique de la crise, ou plus exactement des crises, économique, sociale, environnementale et politique, a ensuite amené la LDH à prendre position sur les évolutions des droits, sur les raisons des crises et sur les politiques publiques menées quel que soit le gouvernement en place.
Le rôle du rapport d’activités est de montrer l’état des structures face aux implications organisationnelles de la période. De ce point de vue, il existe des permanences et des acquis de notre fonctionnement. Les précédents rapports en ont fait l’analyse détaillée. Le congrès de Reims en 2011 avait mis en avant la volonté de la LDH de se lancer dans un déploiement de ses activités. C’est à l’aune de cette cohérence que le présent rapport propose de regarder les atouts et les faiblesses, les avancées et les stagnations de notre organisation.
1. Une dynamique de rassemblement
De la campagne « Urgence pour les libertés, urgence pour les droits » au « Pacte pour les droits et la citoyenneté », le choix fut de tenter une stratégie commune aux organisations de la société civile qui partagent nos principes. Des réunions de préparation à la proposition d’actions communes des cinquante associations et syndicats sur des éléments du Pacte, il y a eu une mise en cohérence de l’activité de la LDH, depuis le BN jusqu’aux sections. Mais la dynamique du Pacte ne s’est pas développée sur une prise en charge commune. Par ses effets concrets – partage d’analyses, multiplication des contacts, mise en place de rassemblements locaux dépassant les organisations signataires – celui-ci est un cadre de référence, auquel chacun des partenaires peut se référer. Nous-mêmes n’avons pas manqué de nous en servir pendant les campagnes électorales.
Mais le Pacte n’est pas devenu un « acteur politique ». On peut en voir les raisons à la fois dans une analyse des conditions difficiles dans lesquelles se meuvent les associations, mais aussi dans les rapports de force entre elles, la forte dispersion pouvant parfois donner plus de place au combat de tous contre tous qu’à la convergence. On peut aussi constater que le Pacte, ouvert aux organisations, a pu rentrer en conflit avec le développement militant dans des collectifs, qui semble mieux rentrer en concordance avec une certaine désaffection vis-à-vis des appareils permanents. Il reste cependant que ceux-ci n’ont pas disparu, et qu’ils assument une permanence structurante. De ce point de vue, la dimension d’organisation généraliste de la LDH est un atout.
La LDH est une association de mobilisation de la société civile. Avec ses quelque trois cent cinquante sections, elle dispose d’un réseau remarquable de militantes et de militants qui, d’une part, assurent le développement propre de l’organisation, et, d’autre part, sont engagé(e)s dans un grand nombre de comités et de collectifs dont certains sont dédiés à la solidarité internationale. Au point que ses temps militants peuvent entrer en concurrence. Ainsi, la LDH est partie prenante de près de soixante-dix collectifs et comités, sans compter leur déclinaison aux niveaux infra-nationaux, et sans oublier que nombre de regroupements existent localement sur nombre de causes spécifiques mobilisatrices. A l’inverse, le Pacte a redonné une place importante au travail avec les organisations elles-mêmes. C’est l’un des effets induits de la campagne « Urgence… » puis de la stratégie du Pacte, que d’avoir permis une synergie entre intervention propre et construction de l’unité.
2. Des campagnes qui mettent la LDH en mouvement
L’un des apports majeurs du Pacte est d’avoir pu combiner la construction d’une campagne politique et un train de propositions. Les analyses et les textes que nous avons produits seuls ou avec les organisations du Pacte sont à l’origine du dispositif que nous nous sommes donnés dans la période des élections présidentielle et législatives. Encore aujourd’hui, les différents documents restent des éléments utilisés aussi bien localement que nationalement. Les tracts, les lettres ouvertes thématiques restent valides dans leurs termes, même si ce n’est plus leur fonction d’être diffusés en tant que tels.
Ces campagnes apparaissent structurantes du travail de toute notre association. Cette façon de faire de la politique correspond à la volonté de déployer la LDH, et de façon visible. C’est d’ailleurs à ce titre que nous avons engagé une réflexion sur l’image de la LDH.
Cette tactique que nous avons choisie amène à définir un objectif partagé à la fois en interne par nos structures, et en externe par nos partenaires. En fonction de l’actualité, c’est ce qui nous a amenés à présenter le droit de vote et d’éligibilité des étrangers hors Union européenne aux élections locales comme un élément central de mobilisation de la société civile, de rassemblement des organisations et de déploiement de la LDH. C’est pourquoi le collectif « Votation citoyenne » se devait d’assurer un approfondissement de son rôle de défense des droits des étrangers vers l’extension de la démocratie, en devenant le collectif « Droit de vote 2014 », fixant ainsi un objectif, une cible et une date.
La LDH a un rôle d’initiative non contesté au sein du collectif « Droit de vote 2014 ». Elle le doit aussi bien à sa place institutionnelle reconnue qu’à ses capacités d’initiative et de rassemblement à tous les niveaux. Le nombre de réunions, d’actions, d’apparitions, sous toutes les formes, menées par les sections de la LDH, est très élevé. Incontestablement, les sections ont assumé une formidable remobilisation des réseaux locaux. Elles font preuve de beaucoup d’initiatives et confortent la place centrale de la LDH sur ce terrain de la démocratie.
3. La lettre d’information pour accompagner le déploiement
Nous avions fait le choix au congrès précédent de sortir la lettre électronique de sa place marginale de répétition du site Internet. L’absence d’un contenu éditorial révélait qu’elle n’avait aucun rôle politique. C’est ce qui fait qu’en nombre de destinataires, elle stagnait. Elle n’était qu’une doublure dépassée de notre « Infocom ». De publication électronique répétitive, elle est devenue la lettre d’information « Droits de l’Homme », éditée par la LDH. Elle est diffusée directement à près de dix-huit mille destinataires, et retransmise sur les réseaux sociaux à nos trente-deux mille inscrits. Nous ne pouvons bien sûr pas comptabiliser le nombre de retransmissions dues à des décisions individuelles ou des sections.
Puisque la lettre n’est plus automatique, c’est son contenu politique qui prime. Il est devenu fortement éditorialisé, en plus de la retransmission des lettres internationales, des communiqués et analyses, qui appuient son contenu. Ces lettres font maintenant partie de nos campagnes et de notre activité politique. Elles agissent en synergie. C’est ce que montre la liste des dossiers que nous y avons produits depuis mars 2012, date de la première livraison de cette nouvelle série : « Prison et récidive » ; « Les femmes, les droits, une histoire de luttes » ; « Droit de vote 2014 ! » ; « Les contrôles d’identité, encore et toujours au faciès ! » ; « Europe : entre austérité et solidarité, il faut choisir » ; « Roms, l’été du changement ? » ; « Le sport sans les droits, c’est pas du jeu ! » ; « Urgences et projets, la LDH saisit le gouvernement » ; « Droit de vote des étrangers ». Ces dossiers sont accompagnés d’articles d’actualité originaux. Parmi eux, on peut citer : « Egalité et non-discrimination, quelques repères pour penser et agir » ; « Un projet de loi d’amnistie pour lutter contre l’incrimination des faits sociaux » ; « Les « anti » mariage pour tous, bien au-delà du mariage… » ; « Circulaire « Régularisations » : note à l’usage des militant(e)s » ; « Mariage pour tous : politique, ordre moral et égalité des droits » ; « Dialogue social ? Oui, mais encore… » ; « Pour une citoyenneté locale de résidence » ; « Rencontres Charles Gide : économie sociale et droits de l’Homme, une nouvelle communauté de vues ? » ; « Palestine, juillet 2012 : la politique et le quotidien » ; « Les dangers d’un fichier des gens honnêtes » ; « Un forum citoyen pour la responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ».
4. Nationale et/ou locale, l’intervention pour les droits
Le fil rouge d’intervention de l’organisation à tous ses niveaux reste les droits des étrangers et la situation des sans-papiers. La mobilisation sur ces terrains est intense et quotidienne. La presse en fait largement écho, singulièrement en ce qui concerne sa partie quotidienne régionale, la fameuse « PQR », qui est attentive à ce que nous faisons. Mais le nombre de débats publics et d’actions montre que le « généralisme » de la LDH n’est pas qu’un mot : les discriminations, l’égalité d’accès à tous les droits, les questions de santé, les services publics, les inégalités et la protection sociale, le logement, les libertés publiques et les lois sécuritaires, les discours xénophobes, enfin la et les crise(s) et leurs effets, sans négliger les droits partout dans le monde. La LDH, organisation citoyenne, intervenant donc sur tous les terrains où les droits civiques et politiques, et les droits économiques, sociaux et culturels sont en jeu, est doublement et complémentairement active. D’une part, en correspondant aux thèmes imposés par l’actualité politique et sociale. D’autre part, dans la mesure où les sections ont des permanences dans leurs interventions et qu’elles sont enracinées dans des territoires d’action.
La très grande diversité des communiqués de presse, analyses et dossiers, prises de position, conférences de presse, et l’écho qui leur est fait, montre bien que les analyses et l’expression de la LDH comptent, et prouvent qu’elle est un acteur politique. Il n’aura échappé à personne que le rapport avec les acteurs institutionnels a changé, avec le gouvernement Hollande. Les rapports avec le gouvernement précédent étaient absents, parce que sans objet. La LDH n’a pourtant jamais refusé le contact et la discussion avec les pouvoirs publics légitimes et les institutions de la République. Encore eut-il fallu qu’il ne s’agisse pas d’un masque à effet uniquement médiatique. Aujourd’hui, nous répondons aux demandes de rencontres, nous sollicitons des audiences, nous réclamons des arbitrages. Mais comme le montrent, par exemple, notre lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, ou nos interpellations du Premier ministre sur la situation faite aux Roms, ou bien nos communiqués de prise de position sur la récidive, les peines planchers ou la peine de sûreté, la LDH n’a qu’un seul guide, les droits, car trop souvent le « changement » annoncé, voire promis, a du mal à se concrétiser.
La LDH est une organisation reconnue pour la qualité de ses analyses, ce qui nous amène à répondre très régulièrement aux demandes d’auditions formulées par les groupes politiques, ainsi que par les rapporteurs de tel ou tel texte de loi, ou encore par des commissions parlementaires ad hoc. Cette présence institutionnelle devrait se traduire notamment par un renouveau de l’intergroupe de parlementaires, députés et sénateurs, adhérents ou sympathisants de la LDH. Force est de constater que depuis juin 2012, nous n’avons pas pu encore le redévelopper.
5. Economie sociale et solidaire, projets européens : de nouvelles synergies
Depuis le congrès du Creusot, la LDH s’est lancée dans la définition et dans l’organisation concrète de partenariats, tel celui que nous avons noué avec la Macif. Ce partenariat a été renouvelé en 2012 pour trois ans. Nous agissons pour que des coopérations nouvelles donnent lieu à d’autres engagements formels.
Nous avons défini une stratégie de coopération avec des partenaires de l’économie sociale et solidaire. L’orientation définie publiquement en congrès trouve même dans l’approfondissement d’une crise systémique – politique, économique, sociale et environnementale – la vérification de la validité d’une autre façon de vivre ensemble en société. Il est vrai que cela ne va pas de soi, tant du côté de la LDH que du côté de nos partenaires contractants. Mais on peut dire que nous sommes passés d’une acceptation dubitative à une participation active. Il n’est plus rare que nos sections se lancent ou participent à des réseaux locaux qui assument la construction en commun d’objectifs de réflexion et d’actions.
Ce nouvel axe concret de travail a connu une remarquable affirmation publique avec la première édition des « Rencontres Charles Gide », à Uzès, lieu de naissance de ce dernier. L’excellent travail de la section Uzès et Sainte-Anastasie, en coopération avec la direction nationale, a permis cet événement. Il a montré l’efficience de la liaison réseaux locaux/organisations nationales. D’autres événements sous cette marque sont envisageables, à Uzès ou ailleurs, en fonction de l’actualité. Ces rencontres ont eu aussi l’effet de relancer les actions de construction commune d’objectifs dans d’autres régions et villes : à Besançon, à Brest, à Grenoble, à Bordeaux, à Loudéac, à La Rochelle… Et à ce congrès 2013, à Niort, nous discutons d’un projet de résolution sur les enjeux, pour les droits de l’Homme, de l’économie sociale et solidaire. Nous avons aussi, dans le cadre d’un projet du FSE sur les discriminations dans le monde du travail, organisé en partenariat avec Macif Mutualité et avec l’apport significatif de la LDH du Luxembourg et d’une organisation italienne, le Forum italien sur le handicap, et sur la base d’une enquête de terrain, un séminaire de très bonne facture et qui a montré la place que pouvait avoir un partenariat liant l’économie sociale et solidaire et les droits de l’Homme. Le sujet émergent que nous avons traité concerne les discriminations que peuvent connaître, dans leur travail salarié, ceux – mais surtout celles ! – qui sont par ailleurs des aidant(e)s auprès de membres de leurs familles ou de leur entourage en situation de dépendance.
Si la soumission auprès du FSE d’un projet en commun avec une organisation mutualiste était une première, la LDH a obtenu le financement européen de plusieurs projets soit en France, soit dans le cadre européen. Deux projets ont pour objet les droits des Roms (création d’outils pédagogiques à destination des organisations leur venant en aide et formation/sensibilisation des acteurs et élus locaux), un autre projet porte sur le fichage institutionnel avec état des lieux dans une dizaine de pays européens et diffusion d’un outil grand public d’information sur les droits des citoyens dans ce domaine. Là aussi, il s’agit d’une démarche partagée de type partenarial, puisque ces projets font l’objet de collaborations entre plusieurs organisations.
6. International : confirmations et nouveautés
Au congrès de Reims en 2011, la LDH avait voulu mettre en valeur ces militant(e)s qui, partout dans le monde, risquent beaucoup, y compris leur vie, pour la défense et la promotion de tous les droits. Il s’agissait bien de montrer que la LDH affirmait ne pas devoir se contenter de transférer son activité internationale aux organisations internationales auxquelles elle est affiliée. S’il est évident qu’il s’agit de compétences partagées quand la politique de la France est en question, la LDH considère que les enjeux de droits de l’Homme dans un monde globalisé dépassent les participations formelles.
Même si l’actualité nationale en cette année de changement de gouvernement a légitimement mobilisé l’attention, l’universalité des droits fait partie des terrains forts d’activité de toute l’association. Au niveau national, la LDH intervient en son nom propre auprès du gouvernement ou des ambassadeurs des pays. Elle appelle et participe en différentes occasions aux rassemblements, manifestations et réunions. Ainsi pour le soutien des Syriens engagés dans le combat contre la dictature Assad ; pour la libération des prisonniers politiques chinois, dont Liu Xiabo, prix Nobel de la chaise vide, et pour l’instauration de libertés démocratiques ; pour la libération des Pussy Riot et, plus globalement, pour la fin de toutes les répressions en Russie ; pour la levée du blocus de Gaza en Palestine, la libération des prisonniers politiques, l’étiquetage des produits issus des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et la demande au gouvernement français de voter pour l’accueil de la Palestine aux Nations unies. Autant d’occasions pour lesquelles sections et militants se sont largement mobilisés. Ainsi, la vague blanche pour la Syrie en mars dernier a vu un nombre important de rassemblements et de manifestations se dérouler, avec la participation affirmée des sections de la LDH.
Trois démarches assez récentes peuvent être signalées : la lettre au président de la République, lui demandant de ne pas éviter le thème des droits de l’Homme pendant sa visite à Poutine, en Russie ; la lettre exigeant le respect de la légalité internationale en matière d’investissement dans les territoire occupés de Palestine ; enfin, la lettre pour demander à François Hollande de ne pas oublier le sort des prisonniers chinois et de demander leur libération à Xi Jinping, lors de son déplacement en Chine.
En matière d’affiliations internationales, la LDH est très impliquée dans le REMDH, puisqu’elle en assume la présidence et que nombre de ses militant(e)s participent à ses instances et groupes de travail. Si l’AEDH n’est plus présidée par un membre français, la LDH a renforcé sa présence dans les instances et participera fortement à la prochaine assemblée générale à Tallinn, en Estonie. Cette année est aussi celle du congrès de la FIDH à Istanbul, auquel la LDH participera. Compte tenu du fait que le siège de la FIDH est à Paris, les relations directes sont fréquentes, même s’il faut regretter que toutes ne soient pas coordonnées.
La LDH a, par ailleurs, nombre de relations bilatérales, en particulier en Afrique, en soutenant et/ou en participant à des projets de développement des droits et de la citoyenneté.
La LDH a développé de nouveaux instruments d’affirmation de tous les droits, pour tous et partout. Il s’agit d’une part de la publication de « Droits de l’Homme en Europe centrale et orientale », qui en est à son cinquième numéro en mars dernier et, de l’autre, du bulletin « Droits de l’Homme en Amérique latine » qui en est à son neuvième numéro. Ainsi, deux instruments sectoriels ont rejoint le bulletin Chine, édité par le groupe Chine, qui fait office de glorieux ancien, en étant à sa soixante-quatorzième livraison. La décision de réaliser ces deux bulletins correspond à la volonté de mieux connaître et faire connaître la réalité de l’évolution des droits, dont nous souhaitons faire un sujet concret de débat.
7. Une organisation en renouvellement
Pour se développer, la LDH s’est engagée dans une adaptation de sa structure interne et de ses modes de fonctionnement. Même si l’on dit que c’est une organisation exigeante parce qu’elle est sur tous les fronts, elle ne peut plus imposer à ses adhérents, anciens ou futurs, un modèle de fonctionnement qui laisse peu de place à qui n’est pas en mouvement permanent. Car la conséquence négative de ce modèle, s’il reste unique, est que le modèle de référence ainsi proposé est de nature à éloigner ceux qui, pour des raisons légitimes, n’ont pas la possibilité d’y correspondre et de consacrer autant de temps à la vie militante.
La question est bien celle du déploiement, car si l’adhésion est l’une des fragilités de notre organisation, elle correspond sans doute à un modèle militant unique. Même s’il a beaucoup augmenté, le nombre de nos adhérents reste vraiment en deçà de ce que nous pouvions espérer. Et il apparaît, selon les résultats de l’année 2012, une stagnation du nombre d’adhérents. Le chiffre de nos adhérents est un solde. Auparavant, quand nous gagnions un adhérent, nous en perdions un. Durant les cinq dernières années, quand nous recevions deux adhésions, nous en perdions une. Aujourd’hui, les chiffres apparents montrent que nous sommes retournés à la situation précédente : quand nous gagnons un adhérent, nous en perdons un.
Si l’on regarde la composition militante de la LDH « active », avec une présence de militantes et de militants très fidèles, l’effet « tamis » joue et ceux que nous perdons sont, en majorité, à trouver dans les adhérents de fraîche date. Mais puisque de nombreuses personnes nous ont rejoints, sur la foi de ce que nous sommes, il conviendra de s’interroger sur notre modèle.
C’est dans ce contexte qu’intervient la proposition de modification statutaire que le Comité central soumet à la discussion du congrès. Pour passer du déploiement politique de l’organisation à son ouverture vers l’extérieur, la question de l’affiliation d’associations est ouverte. Si le modèle de militantisme a évolué, sa correspondance en termes d’adhésion devrait aussi changer.
L’adhésion individuelle de personnes physiques reste la base de constitution de la LDH. L’engagement individuel reste un acte en faveur des droits. Mais corrélativement, le principe d’une affiliation collective, sans que cette autre possibilité se substitue à la première, mérite d’être posé. C’est au congrès d’en décider et de combiner permanence et ouverture.
De ce point de vue, les espaces et occasions de formation et de partage deviennent primordiaux. Nombre de sections avaient exprimé le souhait que la formation redevienne une tâche majeure. Le groupe de réflexion mis en route après le congrès de Reims a aboutit à une première initiative qui, de l’avis des participant(e)s, doit absolument être systématisée. Près de quatre-vingt-dix personnes venant de presque toutes les régions ont participé à une séance très dense avec les membres du Bureau national. Il ne s’agit pas (encore ?) d’un système de formation, mais au moins d’un projet pluriannuel à développer. Il s’agira de mettre en cohérence cette initiative nationale avec celles que prennent, en particulier, au niveau régional, les structures locales.
Cette indispensable formation pose la question de la place de l’échelon régional. Il a la légitimité d’être le pilote du développement. Avec la décentralisation et les transferts, quelque fois politiquement et financièrement injustifiés de nombreuses responsabilités de l’Etat, l’échelon régional est pertinent dans le paysage institutionnel, et concerne directement l’activité de la LDH. Dans ce cadre, le rôle et la place de l’équipe régionale devraient s’affirmer avec l’aide des sections. Sans s’y substituer, elle doit être un moteur de notre action à ces niveaux. Le délégué régional est ainsi l’interlocuteur privilégié des présidents de conseils régionaux en matière de subventions et pour toutes les actions susceptibles d’être mises en place.
Enfin, il faut signaler que toutes nos équipes sont en mouvement de renouvellement permanent. Il faut organiser et accompagner ce mouvement de prise de responsabilité vers plus de diversification, un mouvement à l’image de ce que nous cherchons pour toute la société. Cette recherche ne va pas sans heurts et soubresauts, voire conflits. Il ne sert à rien de les cacher. Les controverses, quand elles débouchent sur de l’action partagée et diversifiée, sont saines. Le fonctionnement de nos sections comme un espace de vie marqué par la confraternité devrait le permettre. Chacun(e) doit trouver à la LDH le respect des raisons et de son niveau d’engagement, de ses possibilités personnelles.
8. Produire de la pensée politique
La LDH dispose, pour livrer expertises, analyses et prises de position, d’un ensemble constitué de sources au statut différent.
Le Comité central est amené à prendre les décisions et à adopter des déclarations sur des questions cruciales ou délicates telles que la bioéthique ou la laïcité, la politique de l’immigration, la justice des mineurs… Nous avons tenu des séminaires thématiques de grande qualité en lien avec les sections, par exemple sur les extrêmes droites. Cette démarche devrait être poursuivie : elle permet des débats approfondis et nourrit la réflexion de la direction de l’organisation ainsi que la prise de décisions. Le souci reste le même : être à la hauteur des enjeux politiques, décentraliser la réflexion collective, favoriser l’engagement diversifié, agir pour le déploiement de la LDH.
L’université d’automne de 2012 consacrée aux jeunes a connu, comme d’habitude, un franc succès auprès de tous/toutes les participant(e)s, qui n’étaient, il faut le dire, qu’une toute petite centaine… C’est d’autant plus regrettable que le sujet était réclamé fortement par nombre de sections comme étant celui de l’avenir, et que le Comité central avait décidé de co-organiser cette édition en travaillant en particulier avec des associations de jeunes, nationales ou de quartier, dont il s’est découvert au fil des débats qu’elles connaissaient mal ou peu la Ligue des droits de l’Homme mais « parlaient » Ligue des droits de l’Homme, « pensaient » Ligue des droits de l’Homme… chacune dans son coin. Il s’agissait bien d’une cohérence publique entre sujet, organisations parties prenantes, et résultats.
Notre revue périodique, Hommes & Libertés, est un outil remarquable de réflexion, assis sur une collaboration forte avec des auteur(e)s venu(e)s d’univers différents pour permettre une confrontation des points de vue. Force est de constater que cette revue est sous-utilisée. Le nombre de ligueuses et de ligueurs abonnés est relativement faible et les articles sur des sujets de discussion et d’action de la LDH ne sont pas connus. Rappelons qu’après la parution papier, ils sont présents sur le site dès la publication du numéro suivant. Et que s’informer, approfondir la connaissance des sujets traités est une gymnastique intellectuelle dont nul ne peut faire l’économie.
Depuis avril 2013, la cinquième livraison de notre nouvelle formule annuelle de L’Etat des droits de l’Homme en France est disponible. Il complète et surplombe de façon diachronique l’ensemble de notre activité. Le site représente le quotidien, la lettre d’information la semaine, LDH Info le mensuel, Hommes & Libertés le trimestriel, L’Etat des droits de l’Homme en France » l’annuel. Cet ensemble est complété, du point de vue analytique, par le rapport annuel et par le rapport des régions.
Outre le fonctionnement structuré de certains d’entre eux en général avec l’actualité des droits (groupes « Logement », « Discriminations, racisme, antisémitisme », « Prisons » « Etrangers et immigrés »), l’actualité des groupes de travail, c’est une création, une structuration, un changement de nom et des réunions communes. Le congrès de Reims avait décidé la création du groupe de travail « Sport, droits et libertés ». Il vient donc de connaître sa première année complète de fonctionnement. Il a organisé la campagne, que la LDH propose, sur les discriminations dans le sport, avec un dépliant de sensibilisation. Il a produit l’un des dossiers de la lettre d’information et prépare un colloque avec d’autres organisations sur le sport et les femmes. Le groupe de travail « Extrêmes droites » trouve un fonctionnement régulier et a organisé une journée thématique prometteuse, devant une cinquantaine de personnes venues en particulier des régions à risque de basculement, et il prévoit d’autres réunions de ce genre pour argumenter la campagne de la LDH au moment des municipales de 2014. Le groupe de travail « Femmes-Hommes, égalité des droits » s’intitule désormais « Femmes, genre, égalité ». Ce changement permet d’intégrer des analyses de genre et de pointer les discriminations indirectes subies par les femmes. Enfin, l’année passée a vu les groupes de travail organiser, de plus en plus régulièrement, des rencontres ouvertes. Ainsi, le groupe « Histoire, mémoires, archives », avec ses rencontres sur les lois mémorielles, sur les archives, sur la défunte Maison de l’histoire de France, sur les fusillés de 14-18, ou sur Ilona Basch. Des réunions d’intergroupes sont de plus en plus courantes. Elles sont d’intérêt commun à deux ou trois groupes de travail, telles celles que le groupe « Economie, travail et droits de l’Homme » a organisé avec le groupe « Environnement et développement durable », le groupe « Europe », le groupe « Prisons » avec le groupe « Justice ». Ces réunions, très fructueuses, organisent des cohérences en faveur du généralisme de notre organisation.
9. Trois services pour tous les droits
La LDH dispose en son siège d’une équipe de profes-sionnel(le)s salarié(e)s rodée, efficace et généreuse. Alors que nous les soumettons souvent sous l’emprise de la double peine qu’est le mélange de l’urgence et de la pauvreté des moyens, à des rythmes très rapides, ils restent concentré(e)s sur leur professionnalisme. Disponibles et actifs, sensibles au combat pour les droits, les trois services du siège (administratif, communication, juridique) sont la colonne vertébrale de l’activité de la Ligue des droits de l’Homme.
Quels que soient les services, l’activité du siège est en augmentation forte et constitue de fait un apport dont les sections bénéficient au premier chef. C’est dire si face aux multiples sollicitations dont nous sommes l’objet, et qui pour une bonne part transitent par eux, il faut être tout à la fois patients, à l’écoute, réactifs et engagés.
A l’occasion de ce rapport, le Secrétariat général veut rendre un hommage chaleureux et sincère à cette équipe, en grande majorité jeune, volontaire, dynamique et compétente, qui nous permet, par son appui et son expertise, d’agir au quotidien. La charge des dix-neuf salarié(e)s est telle qu’ils/elles ne pourraient pas remplir leurs missions sans la contribution importante des bénévoles et des stagiaires. Ceux-ci sont indispensables : sans eux, notre association serait en difficulté pour faire face à ses multiples responsabilités. Qu’ils et elles en soient ici chaleureusement remerciés.
Le service communication rend compte de l’activité intense, interne et externe de la LDH. Au quotidien : communiqués, conférences de presse, mise en œuvre des campagnes thématiques, maquettage de dépliants et de tracts, création de supports de communication, mais aussi secrétariat de plusieurs collectifs (« Droit de vote 2014 »…), organisation de notre université d’automne, de nombreux séminaires et colloques. Il assure le secrétariat du Bureau national, du Comité central, des groupes de travail, la gestion de la liste d’information interne LDH « Infocom », la gestion du site Internet et de la lettre électronique. Il s’occupe, en lien avec les élus du Bureau national, de nos relations avec la presse. Il a aussi la tâche d’assurer les publications hors périodiques. Sans oublier l’apport énorme qu’est, depuis deux ans, la nouvelle formule du « Rapport annuel », complété par le rapport des activités locales. Signalons que ces deux publications – rapport annuel et rapport régional – sont très demandées par les institutions, les communicants et, plus largement, par d’éventuels nouveaux partenaires, alors qu’ils restent sous-utilisés à l’interne de l’organisation. Enfin, le service est responsable des publications Hommes & Libertés et LDH Info.
Compte tenu de la primauté en France de la loi, et de la structure judiciaire, c’est d’une grande importance stratégique que de disposer en propre d’un service juridique. C’est en plus, vu son prestige et la reconnaissance dont il bénéficie, un véritable outil de formation de jeunes juristes aux questions de défense des droits de l’Homme. Les six salarié(e)s et les nombreux stagiaires étudiants en droit assurent les permanences quotidiennes au siège et participent à l’implantation de la LDH au plus près des personnes en difficulté, par le développement du réseau des permanences dans les Maisons de la justice et du droit (MJD) et des Points d’accès au droit (PAD), en région Ile-de-France. Ils ont un rôle essentiel dans le soutien et le conseil aux militants impliqués dans les très nombreuses permanences des sections. En outre, ils alimentent la réflexion et l’action de la LDH au travers de documents d’analyse des projets de loi, et de la rédaction de supports d’information pour le plus grand nombre. Enfin, ils préparent les saisines que fait la LDH devant les différentes juridictions judiciaires et administratives, européennes, et devant les comités internationaux.
Le service administratif, c’est la direction générale des services, l’administration et les finances, la comptabilité, l’accueil, la boutique… Des fonctions essentielles tant en interne que vis-à-vis de l’extérieur. Plus l’activité des sections est intense, plus le nombre de nos adhérents augmente, plus la tâche du service administratif s’alourdit, rendant plus que nécessaire une réflexion d’ensemble sur le fonctionnement du service. Il faudrait insister sur deux aspects essentiels du travail du service administratif et général. D’abord, c’est à lui qu’incombe la réalisation des dossiers de tous les financements de nos projets, sans lesquels il n’y a plus moyen d’avancer. Ensuite, avec la multiplication des outils en ligne, de paiement – cotisations, dons, achats –, de gestion, etc., ce service est en passe de pouvoir, à terme, définir des indicateurs et de faire des études de notre organisation. Nous n’avons pas encore été capables d’utiliser la totalité des données collectées dans notre… fichier central ! Que l’on se rassure : il est sécurisé, jamais communiqué, non interconnecté, jamais retransmis ni vendu, jamais copié. Protection des données personnelles oblige.