Paris, le 18 avril 2017
Il y a un an et demi, le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe achevait une visite en France de deux semaines. Au cours de sa visite, le Comité s’était rendu dans différents lieux de privation de liberté, dont les maisons d’arrêt de Nîmes, Fresnes et Villepinte, parmi les plus surpeuplées de France, et le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Le Comité a adopté le rapport relatif à cette visite le 11 juillet 2016, dont la publication était depuis suspendue à l’accord du gouvernement français : les rapports du CPT ne sont en effet rendus publics qu’à la demande des Etats. Ainsi, le précédent rapport du Comité relatif à la France avait-il été publié, le 19 avril 2012, à quelques jours seulement des élections présidentielles de 2012, les observations et recommandations du CPT passant totalement inaperçues. 2017 ressemble à 2012 puisque le gouvernement vient d’autoriser la publication du rapport qui est rendu public au moment où s’ouvre la campagne officielle pour les élections présidentielles.
Malgré les délais, ce rapport doit éclairer l’urgence d’un changement de perspective sur notre recours à l’incarcération et notre politique pénale. S’il salue la qualité de la coopération des autorités françaises pendant sa visite, le Comité regrette le manque de suivi des recommandations de son précédent rapport. Ainsi, le CPT pointe-t-il notamment les mauvaises conditions de détention notamment à Fresnes et Nîmes qui, associées à la surpopulation et au manque d’activités, pourraient être « considérées comme un traitement inhumain et dégradant ». Une prochaine condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour violation de l’article 3 de la CEDH est de plus en plus prévisible.
Alors que la population carcérale a atteint un niveau record en juillet dernier (69 675 personnes détenues, dont près de 15 000 détenus en surnombre), on prévoit que la barre des 70 000 personnes détenues – jamais atteinte – sera franchie d’ici l‘été : l’inflation carcérale a en effet fortement repris depuis plus d’un an. Le gouvernement comme l’opposition semblent n’aborder le problème de la surpopulation carcérale que sous l’angle de la construction de nouveaux établissements et s’engagent dans une dangereuse fuite en avant. Du côté des candidats à l’élection présidentielle, les annonces de construction vont bon train sans que les moyens de juguler l’inflation carcérale, et d’inverser la tendance, ne soient sérieusement pris en considération par la plupart d’entre eux. Le CPT recommande pourtant à la France “que des mesures soient prises pour diminuer la population carcérale notamment en engageant une réflexion vers une nouvelle politique pénale et pénitentiaire durable”.
Nos organisations (associations, syndicats et aumôneries des prisons), demandaient en décembre dernier au Premier ministre la publication rapide du rapport du CPT. Nous réitérons notre demande que la France accepte à l’avenir la procédure de publication automatique des rapports du CPT comme plusieurs autres Etats du Conseil de l’Europe. Nous demandons aux candidats à l’élection présidentielle qu’ils s’engagent à prendre en compte les recommandations du CPT et, en particulier, à engager une profonde réflexion sur notre politique pénale pour faire diminuer notre population carcérale comme le recommande le CPT, sans attendre une condamnation de la France par la CEDH.
Organisations signataires : ANJAP, ANVP, Cimade, Courrier de Bovet, Croix-rouge française, FARAPEJ, Genepi, LDH, OIP-SF, Prison Insider, SNEPAP-FSU, Syndicat de la Magistrature.
Communiqué faisant suite à :
– La lettre ouverte au Premier Ministre du 5/12/2016 demandant publication du rapport du CPT ;
– La réponse du Premier Ministre à la lettre ouverte en date du 7/03/2017.