Proposition de loi sur le « narcotrafic » : vers un nouvel échec du tout répressif

Communiqué du Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) dont la LDH est membre

Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) publie aujourd’hui une analyse critique de la proposition de loi sur le « narcotrafic ». Le CNPD dénonce l’approche partiale de ce texte qui ignore à la fois les facteurs qui favorisent les trafics et les questions sociales et sanitaires plus larges posées par la question des drogues. Pour les organisations d’usagers, magistrats, policiers, professionnels de l’addictologie, défenseurs des droits humains et de la santé membres du CNPD, expertes dans le domaine des drogues, l’approche répressive de la proposition de la loi la condamne à l’échec.

Demain 10 avril 2025, la commission mixte paritaire du Parlement se réunit pour examiner la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic ». Pourtant, ce texte persiste dans une approche exclusivement répressive de la question des drogues en ignorant à la fois les causes profondes des trafics et les enjeux sociaux et sanitaires en lien avec ces consommations. Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) dénonce cette politique vouée à l’échec et appelle à un changement d’approche.

Sortir du piège… de la répression

Les trafics de stupéfiants constituent indéniablement des enjeux majeurs pour notre société. Pourtant, la proposition de loi refuse d’examiner les causes profondes de ces phénomènes et ignore les réalités socio-économiques qui conduisent certains individus vers des activités de trafic.

Elle ne revient pas sur l’actuelle stratégie de répression dont les moyens considérables (1,2 milliard d’euros en 2024) se concentrent davantage sur les consommateurs (80 % des infractions alors que seules 9 % concernent le trafic) que sur le démantèlement des réseaux criminels ni sur la multiplication des opérations médiatiques telle « Place nette XXL » et les annonces de saisies record sans résultat tangible.

De surcroît, le CNPD s’alarme, aux côtés de nombreuses organisations de défense des droits, des graves atteintes aux libertés fondamentales contenues dans cette proposition de loi, notamment l’instauration d’un régime carcéral « haute sécurité » similaire au modèle italien déjà condamné par les instances internationales.

Face à cet échec annoncé, il est temps de changer d’approche

Face à cet échec programmé, le CNPD propose trois axes de réforme concrets et susceptibles de réellement changer les choses :

  1. adopter une politique globale qui s’attaque aux véritables causes du trafic, notamment les facteurs sociaux et économiques, et qui replace ce phénomène dans le contexte plus large du grand banditisme (trafics d’êtres humains, blanchiment, trafic d’armes) dont le trafic de drogues n’est qu’un aspect ;
  2. investir dans une approche sanitaire et sociale qui abandonne les discours stigmatisants vis-à-vis des consommateur-trice-s au profit de solutions concrètes de prévention, de réduction des risques et de soins adaptés ;
  3. explorer sans délai les modèles alternatifs de régulation des stupéfiants, déjà expérimentés dans plusieurs pays, afin de soustraire ces marchés de l’emprise des réseaux mafieux et d’en réduire les impacts négatifs sur la société.

Le CNPD appelle les parlementaires et l’ensemble des responsables politiques à s’engager dans un débat public éclairé sur cette question majeure de société, loin des effets d’annonce et des postures sécuritaires qui ont démontré depuis des décennies leur inefficacité.

Signataires : ASUD  (Autosupport des usagers de drogues), Cannabis Sans Frontières, CIRC (Collectif d’information et de recherche cannabique), Fédération Addiction, GRECC (Groupe de recherche et d’échanges sur le cannabis), LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du monde, NORML France, PCP (Police contre la prohibition), Safe, SOS Addictions, Syndicat de la magistrature.

À propos du CNPD : Depuis 2018, le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) rassemble des organisations d’usagers, magistrats, policiers, professionnels de l’addictologie, défenseurs des droits humains et de la santé. Ensemble, nous œuvrons pour une réforme des politiques des drogues en France en plaidant pour une approche fondée sur la réduction des risques, la prévention et la protection des droits des personnes.

Paris, le 9 avril 2025

Lire la note et télécharger le communiqué « proposition de loi sur le narcotrafic : vers un nouvel échec du tout répressif » en PDF.