Quel genre ?
Christine Détrez
Thierry Magnier éditions, mars 2015
108 pages, 13 €
Par Ewa Tartakowsky, LDH Paris 10/11
Il faut lire le petit ouvrage de Christine Détrez. Accessible, très bien écrit et présentant de manière pédagogique les enjeux liés à la construction de genre, il démontre à quel point la dimension sociale participe de la construction de nos identités de genre, lesquelles semblent aller de soi. Or, c’est bien cette construction sociale qui sous-tend le fait qu’on offre des poupées aux filles et des voitures aux garçons, que les femmes gagnent moins que les hommes, qu’elles effectuent deux tiers du travail domestique ou encore que le pouvoir est perçu comme intrinsèquement masculin.
En proposant une généalogie du mot – avec ses moments « anthropologiques », « psychiatrique » et « féministe » –, l’auteure met en lumière que le genre non seulement est un construit mais qu’il traduit des rapports sociaux fondés sur une hiérarchie – ou « valence différentielle des sexes », selon l’expression de Françoise Héritier –, qui classe des valeurs associées aux représentations des garçons et filles, des hommes et femmes, en valorisant les premiers au détriment des secondes. Ces processus, appelés socialisations, sont omniprésents, intériorisés et inconscients : « Les activités, les façons de se tenir, les façons de penser deviennent des automatismes et des réflexes, passent par le corps, deviennent finalement un ’sens pratique’ ». Ce tout inclut les objets matérialisant les différences dès le plus jeune âge, différentiation qui trouve sa traduction notamment dans un intérêt économique (1).
La publicité, la presse, les médias participent de cette mise en circulation des images où chacun se voit assigné des rôles bien définis. C. Détrez montre que cette socialisation joue sur les attentes différenciées en fonction du sexe de l’individu que l’on a en face, à quel point nos interprétations par rapport à une personne sont déterminées par le supposé rôle que joue le sexe dans nos comportements de tous les jours.
Un chapitre passionnant revient également sur l’épineuse question « le cerveau a-t-il un sexe ? » et dénonce, en citant les travaux de la neurobiologiste Catherine Vidal, le « neurosexisme ». L’auteure dit l’importance de lutter contre les stéréotypes de genre. Car ils sont « non une simplification à partir d’une réalité existante, mais une concentration fictive, élaborée à partir de représentations et de croyances erronées ». Une concentration responsable des inégalités dans l’emploi, de l’exclusion des femmes dans certains espaces, « des plafonds de verre qui barrent les carrières des femmes, [de la] stigmatisation et [des] violences envers ceux et celles qui dérogent aux modèles ». Autant d’enjeux régis par la logique du genre, importants à identifier pour mieux peser sur leurs résolutions.
(1) « Taxe rose » ou « woman tax », que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a définie en 2014 comme « les différences de prix qui peuvent exister sur certains produits de consommation ou service identiques, selon qu’ils s’adressent à des hommes ou à des femmes ».