INTERNATIONAL Êtes-vous prêt à vous engager en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort ? Vous engagez-vous à ne procéder à aucune extradition en direction d’un pays appliquant la peine de mort, lorsque celle-ci est encourue, et même si des garanties ont été données de ne pas appliquer cette peine ? Je suis favorable à l’abolition universelle de la peine de mort. Quant à la question de l’extradition vers un pays appliquant la peine de mort, elle n’est accordée que lorsque nous obtenons un engagement des autorités de ce pays à ne pas recourir, prononcer ou appliquer la peine de mort. Jusqu’à ce jour, de tels engagements ont toujours été tenus. Vous engagez-vous à lever la réserve formulée par la France, relative aux crimes de guerre, lors de la ratification du statut de la Cour Pénal Internationale ? Êtes-vous prêt à inclure dans le droit pénal français, la répression des crimes de guerre tel que définis par la 4ème Convention de Genève ? Au moment de la ratification des statuts de la CPI, la France a effectivement fait une réserve au titre de l’article 124. Hubert Védrine a annoncé, devant le Sénat, que nous étions prêts à ne pas attendre un délai de 7 ans pour lever cette réserve en fonction de la pratique et du bon fonctionnement de la Cour. Il n’existe en effet pas de définition du crime de guerre en droit pénal interne. Toutefois l’inclusion explicite de cette définition ne s’imposerait pas dès lors que seraient appliquées en droit interne les instruments internationaux auxquels la France est partie, ce qui est le cas de la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Telle semble être l’orientation prise par la Cour d’appel de Paris dans le jugement rendu tout récemment dans l’affaire Aussaresses et dans laquelle la Cour a jugé punissable l’apologie d’un crime non défini par le code pénal français. Vous engagez-vous à agir en faveur de la levée de l’embargo contre l’Irak et en faveur de la création d’un Tribunal International ad hoc pour juger les dirigeants irakiens ? La tragédie que vit le peuple irakien est un des drames de notre monde et mon pays s’est employé à y mettre un terme en contribuant au dialogue entre l’ONU et l’Irak. Bagdad doit accepter le retour des inspecteurs internationaux du désarmement, retirés du pays lors des bombardements américano-britanniques de décembre 1998. La communauté internationale se grandira pour sa part en offrant à l’Irak et à son peuple un calendrier de suspension des sanctions. Mais la coopération du régime irakien, qui a plusieurs fois par le passé sapé les efforts les mieux intentionnés, est indispensable pour qu’une telle solution puisse voir le jour. Par ailleurs, maintenant que la CPI existe, il est peu probable que le Conseil de Sécurité des Nations Unies crée des tribunaux pénaux internationaux ad hoc que ce soit pour l’Irak ou pour d’autres situations de conflit. Vous engagez-vous à agir en faveur d’une levée de l’embargo contre Cuba ? L’embargo contre Cuba est essentiellement le fait de législations particulières du Congrès américain (« lois Helms-Burton »). Nous avons condamné ces lois pour leur caractère extraterritorial. Nous nous sommes toujours opposés à leur généralisation, notamment à l’OCDE. La France a en revanche peu de prise pour en changer les effets bilatéraux, mais d’une façon générale, nous souhaitons la réintégration pleine et entière de Cuba dans la communauté internationale. Vous engagez-vous à demander à l’Union européenne la suspension des accords d’association conclus avec Israël et à agir en faveur de l’envoi d’une force de protection internationale du peuple palestinien ? Vous me permettrez de rappeler une position que j’ai toujours soutenue : il n’y a pas de solution au Proche-Orient autre qu’une paix juste et durable issue de négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Cette paix doit garantir les droits fondamentaux de chaque partie, la sécurité pour Israël et un État souverain et viable pour les Palestiniens. La suspension des accords d’association conclus avec Israël ne me paraît pas la solution appropriée au règlement de la crise actuelle. En revanche, j’ai pris l’initiative, en tant que chef de gouvernement, de proposer à José Maria Aznar, dont le pays préside actuellement l’Union européenne, de se rendre dans la région rencontrer Ariel Sharon et Yasser Arafat afin d’obtenir un cessez-le-feu et de relancer les négociations. La mission de la présidence espagnole n’a pas connu le succès, mais il ne faut pas se décourager. J’ai également proposé l’envoi rapide d’une force internationale sous l’égide du conseil de sécurité de l’ONU. Le but de cette force est de protéger les populations civiles israélienne et palestinienne et de préparer les conditions de l’application de la résolution 1402. Cette proposition est en cours de discussion. Quelles mesures entendez-vous prendre pour lutter contre les mouvements spéculatifs de capitaux et pour prohiber les paradis fiscaux ? La lutte contre les paradis fiscaux doit être une priorité de la communauté financière internationale : ces « trous noirs » du système financier sont en effet largement utilisés par le crime organisé, trafic de drogue ou d’armes, et par le terrorisme et sont la source d’instabilités financières dont les pays en développement sont les premiers à souffrir. Mon gouvernement a largement oeuvré pendant cinq ans pour que cette préoccupation se traduise par des actions concrètes contre les pays ou territoires les plus coupables. Il a joué un rôle moteur au GAFI (Groupe d’action financière internationale) pour dresser la « liste noire » des pays et territoires non-coopératifs en matière de blanchiment, à l’OCDE pour identifier les paradis fiscaux, au Forum de stabilité financière (G7) pour réglementer les centres off-shores. Beaucoup reste à faire, en particulier pour définir et mettre en œuvre des sanctions multilatérales dissuasives pour ceux qui refuseraient la coopération internationale. Au-delà, des outils nouveaux sont nécessaires pour lutter contre les mouvements spéculatifs de capitaux. Le gouvernement français a demandé à la Commission européenne de contribuer à l’élaboration d’une initiative européenne dans ce cadre, en examinant les moyens possibles, y compris celui d’une taxe de type Tobin. Nous porterons, avec nos partenaires de l’Union, ce débat au niveau mondial. Êtes-vous en faveur de l’annulation de la dette des pays les plus pauvres et dans quelles conditions ? La dette retarde le développement des pays les plus pauvres ; elle est à ce titre profondément injuste. Je suis favorable à son annulation et à l’engagement d’une démarche de responsabilité ; je souhaite que ces pays s’engagent à financer en priorité les besoins essentiels de leur population, à commencer par la santé et l’éducation. C’est pourquoi mon gouvernement a été à l’origine des différentes décisions prises ces dernières années pour accentuer l’annulation de la dette des pays les plus pauvres. La France est ainsi le premier contributeur à l’initiative « pays pauvres très endettés », avec un effort de plus de 10 Md€. Sa mise en œuvre doit être accélérée. Il nous faut aussi répondre à la situation des pays émergents, dont beaucoup sont fragilisés par une dette excessive. J’ai proposé la création d’une « Commission de surendettement » des Etats, pour permettre de rétablir un rapport de force équitable entre l’État débiteur et ses créanciers.