Tribune de la Coalition pour les libertés associatives publiée dans la revue juridique Juris Associations n°628 des éditions Dalloz, le 15 novembre 2020
Les libertés associatives sont menacées et, avec elles, les libertés d’opinion, d’expression ou de manifestation. Ces libertés fondamentales sont en effet de plus en plus empêchées par l’État, par des collectivités et leurs représentants, tentés par l’autoritarisme dans un contexte de crise. C’est l’objet du rapport « Une citoyenneté réprimée » présenté début octobre par l’Observatoire des libertés associatives réunissant associations et chercheurs en sciences sociales. Ce rapport inédit documente 100 cas d’atteinte aux libertés associatives et collectives concernant toutes sortes d’activités : sociales, écologiques, culturelles ou encore de défense des droits.
Dans le cadre de leurs activités de plaidoyer ou d’interpellation, des associations ont subi ou subissent encore différentes formes de pression de la part des pouvoirs publics, au niveau local comme national. Ces entraves peuvent être classées en quatre grandes catégories, mais arrêtons-nous tout d’abord sur les attaques à la réputation et les différentes formes de disqualification, à l’image de celle que vient de connaître le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).
Lors d’une audition parlementaire le 24 septembre dernier, le Gisti est violemment pris à partie par Robin Reda, député LR de l’Essonne et président de la mission d’information à l’Assemblée nationale sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter. Ce dernier conteste aux sans-papiers le droit de manifeste, puis accuse le Gisti « d’encourager des pratiques illégales » et de participer à l’« émergence d’une forme d’antiracisme dangereux en ce qu’il menace l’ordre républicain », poursuivant ensuite ses attaques à caractère diffamatoire jusque sur les réseaux sociaux.
Ces attaques, outre qu’elles nuisent à la réputation d’associations reconnues, dégradent la qualité du débat public. Quand bien même on pourrait discuter des missions et des modes d’action d’une association, ces outrances constituent une atteinte grave aux libertés associatives et traduisent une hostilité ouverte à l’égard des associations de lutte contre le racisme et les discriminations (origine, handicap, genre, orientation sexuelle, pauvreté, etc.) Plus largement, le rapport documente également les atteintes touchant directement les ressources financières et/ou matérielles des associations (coupe-sanction de subvention), les attaques judiciaires (procès-bâillon, délit de solidarité, etc.) et les interventions policières abusives (amendes, intimidations, surveillance). Chacune de ces attaques vise à détourner les ressources de l’association de son objet, entraver sa liberté d’action et décourager ses militants.
Ce premier rapport ne se limite pourtant pas à un constat déjà connu de nombreuses associations : il contient 12 préconisations visant à reconnaître, protéger et favoriser l’exercice d’une citoyenneté collective. Réforme des modalités d’attribution des subventions, création de fonds pour favoriser les initiatives citoyennes, meilleure connaissance du rôle du Défenseur des droits dans la défense de personnes morales, reconnaissance du rôle d’interpellation des associations sont quelques-unes des transformations démocratiques nécessaires à la défense des libertés publiques fondamentales.
L’ensemble des acteurs ayant participé à la création de l’Observatoire des libertés associatives entame aujourd’hui un travail de mobilisation local et national autour de ce constat et de ces propositions. L’objectif ? Voir reconnaître la place centrale des associations dans le jeu démocratique et leur rôle clé d’autant plus nécessaire en ces temps troublés.
La Coalition pour les libertés associatives
Signataires : Pas sans nous, le collectif des Associations citoyennes, tous migrants, Action droits des Musulmans, la Quadrature du net, React, Voxpublic, le Crid et France nature environnement.