Les propositions contenues dans le rapport de la commission Truche présentent à la fois des aspects positifs et des insuffisances.
La Ligue des Droits de l’Homme a toujours réclamé la présence de l’avocat dès la première heure de la garde à vue et l’enregistrement des interrogatoires dans les commissariats. Elle considère que le pouvoir de placer en détention provisoire confié à une collégialité de juges indépendants du juge d’instruction est un progrès important. Concernant les magistrats du Parquet, la proposition consistant à soumettre leur nomination à un avis conforme, d’un Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) rénové est préférable à celle qui existe aujourd’hui. Le recours contre une décision de classement est une bonne initiative.
La LDH éprouve cependant une certaine déception sur l’ensemble des propositions. La crise de la justice a atteint un degré d’intensité qui exige des solutions novatrices dépassant le cadre d’améliorations ponctuelles. Si l’on peut concevoir que la politique pénale reste dans la sphère de responsabilité du pouvoir politique, il faut corrélativement affirmer que le respect de la loi par les membres du Parquet, comme pour tous les magistrats, constitue l’essence de leurs fonctions.
Dès lors :
· La nomination des membres du Parquet ne doit pas se faire sur proposition du Garde des Sceaux, ce qui conférerait à ce dernier un pouvoir sur le déroulement des carrières, elle doit se faire sur initiative du CSM.
· On ne saurait interdire au Garde des Sceaux de recevoir une information sur des procédures intéressant l’ordre public. En revanche, il ne doit plus intervenir dans les affaires particulières, qu’elles soient de droit commun ou dans les affaires politico-judiciaires.
· La nécessité de mieux garantir l’indépendance des juges implique également une réflexion sur la mise en œuvre de leurs responsabilités.
· Il est devenu impératif que l’ensemble de la procédure pénale soit révisée sur la base des propositions de la commission Delmas-Marty.
Plus préoccupantes sont les propositions concernant la presse. L’interdiction de la publication de photographie de personnes menottées ou entravées et la publicité de certaines phases de la procédure d’instruction peuvent être accueillies favorablement, mais des mesures comme le droit pour le Procureur de la République d’imposer l’insertion d’un communiqué dans un journal sont inacceptables et d’autres comme l’interdiction de divulguer des noms de personnes en cours d’enquête sont irréalistes. La liberté d’information est inséparable de l’exercice de la démocratie.
Au-delà de ces propositions, la LDH demande un débat au Parlement sur la place de la justice dans notre société et sur les moyens de rendre plus responsables l’ensemble de ses acteurs.
La Justice dont les moyens doivent être considérablement augmentés et améliorés ne peut plus se contenter de raccommodages. C’est le statut du juge qui doit être revu. C’est l’accès au droit et à la justice qui doivent être favorisés, c’est la primauté du droit qui doit être affirmé, c’est le fonctionnement de l’institution toute entière qui doit être revu avec des moyens budgétaires et humains d’une autre échelle. Manquer ce rendez-vous ne peut que constituer un échec pour la démocratie.
Paris, le 10 juillet 1997