Communiqué LDH
Alors que la loi du 18 novembre 2016 a déjudiciarisé les procédures de changement de prénom afin de rendre plus accessible le droit des personnes trans de faire reconnaître les prénoms qu’elles ont choisis en fonction de leur identité de genre, trop de pratiques administratives font encore obstacle à l’effectivité de ce droit et au respect de leur dignité.
Ainsi dans plusieurs villes, les services d’état civil exigent encore et de façon arbitraire des preuves médicales afin d’enregistrer le changement de prénom d’une personne trans. Or, rien dans la loi ne permet de conditionner un tel enregistrement à des éléments médicaux. Ces demandes sont non seulement contraires à la loi, mais elles sont aussi l’expression d’une vision erronée de la transidentité qui ne relève pas du domaine médical ou psychiatrique mais du social.
Changer de prénom à l’état civil est une démarche ouverte à toute personne, et n’est pas réservée aux personnes trans. Il n’y a donc aucune raison d’exiger des documents de ce type pour elles.
Les services administratifs doivent veiller au respect de l’identité de genre des personnes telles qu’elles se présentent, sans jugement personnel ni questions intrusives et encore moins de demandes de preuves supplémentaires. Ce respect inclut de genrer correctement les personnes, c’est-à-dire d’utiliser la civilité, les pronoms et les prénoms choisis par les personnes intéressées, en toute égalité.
Or, il s’avère que des municipalités, au lieu de procéder au changement de prénom, saisissent parfois le procureur de la République en remettant à l’administration judiciaire la responsabilité de prendre une décision dans une procédure pourtant clairement guidée par la loi de 2016. Ces pratiques que l’on retrouve sur tout le territoire sont le signe d’une trop grande méconnaissance de la loi par les administrations et les élus. Il en résulte que le parcours de reconnaissance sociale des personnes trans est rendu plus long et difficile au lieu d’être simple et rapide.
Les parquets, de leur côté, font parfois preuve de refus en opposant l’absence d’intérêt légitime à ces changements de prénom. Les personnes trans doivent alors prouver qu’elles sont identifiées dans la société par un prénom que l’administration refuse de reconnaître… Les personnes les plus isolées se voient ainsi dans une impasse qui renforce leur isolement et peut les mettre en danger. Ces difficultés doivent être levées.
Même lorsqu’il n’est pas demandé un changement du prénom sur l’acte d’état civil, les institutions sont trop souvent réticentes à admettre l’emploi des prénoms d’usage des personnes trans. De manière générale, l’usage, contre leur volonté, du prénom de naissance abandonné (« dead name ») par les personnes trans porte atteinte à leur dignité.
Ainsi, à Thonon-les-Bains, le maire a récemment refusé l’apposition du prénom d’usage d’une femme trans sur sa plaque funéraire malgré les sollicitations répétées de ses parents. Pour s’y opposer, le maire affirme que cela porterait atteinte à l’ordre public. Rien pourtant ne permet de justifier une telle interprétation de cette notion, ce que la préfecture de Haute-Savoie a notifié à la mairie. La loi reconnaît les changements de prénoms et de sexe. L’ordre public invoqué ici par le maire cache mal en réalité la transphobie de ce refus.
C’est enfin à l’école que ces difficultés sont le plus souvent rencontrées. La parole des enfants et des adolescent.es trans est trop souvent ignorée, même lorsque les parents soutiennent leurs démarches.
Faciliter la reconnaissance des changements de prénom tant dans l’inscription à l’état civil que dans les usages est constitutif du respect de leur dignité, et de leur droit de mener librement leur vie privée sans subir de discriminations.
Paris, le 7 février 2022