Lettre ouverte de Nathalie Tehio, présidente de la LDH, adressée à Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)
Monsieur le président,
Par la présente, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) souhaite partager ses préoccupations concernant le renouvellement – ou non – des fréquences des quinze chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) dont les autorisations expireront début 2025, singulièrement pour les chaînes C8 et CNEWS.
Ces fréquences publiques sont limitées en nombre (bien davantage que celles des radios), accessibles partout sur le territoire, et mises à disposition par l’État à des opérateurs privés, de sorte que ceux-ci doivent respecter un cahier des charges, identique pour toutes les chaînes, fixé par une convention entre l’opérateur et l’autorité que vous présidez, pour une durée de dix ans. Ce cahier des charges découle de la loi de 1986 sur l’audiovisuel et vise à ce que les dotations de moyens attribuées par l’État correspondent bien à un usage conforme au bien commun. Les contenus diffusés par les médias de masse (télévisions et radios) façonnent largement notre espace public, notamment par l’influence qu’ils exercent sur les débats qui animent la société. Cela leur confère une responsabilité particulière et appelle une régulation démocratique, celle-là même que vous avez à charge de faire appliquer.
La LDH, par les valeurs qu’elle porte, est attentive à tout ce qui peut enrichir la vitalité de notre contrat social et politique. Avec d’autres acteurs, elle considère qu’une grande loi s’impose garantissant la liberté de la presse (au sens large), la liberté éditoriale et la pluralité du débat public, menacées par la concentration des médias. Cette considération a pris la dimension d’une urgence démocratique face à l’orientation délibérément anti-républicaine d’acteurs actifs de cette concentration. En attendant le vote d’un tel texte, il nous semble majeur de souligner que l’attribution des quinze fréquences publiques doit correspondre au strict respect de la convention qui s’applique aux médias voulant bénéficier du réseau TNT, et plus largement aux objectifs constitutionnels de pluralisme des courants de pensée et d’opinion et d’indépendance des médias, conditions de mise en œuvre de la liberté de communication. Les demandes faites devraient donc être notamment considérées à l’aune des pratiques récentes de chacune des chaînes en bénéficiant.
Pour la LDH, les mensonges, les appels à la haine, au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie, au sexisme, la promotion de l’inégalité comme « base naturelle » de construction sociale ne peuvent être promus sur un tel réseau. Dans la dernière période, C8 et CNEWS ont délibérément violé les engagements fixés par leur convention de diffusion ainsi que des lois fondamentales, ce dont attestent le montant des sanctions financières (7 610 000 euros pour C8) qui les ont frappés ainsi que la multiplication de ces sanctions. CNEWS s’est encore vu infliger, mercredi 10 juillet, 80 000 euros d’amende pour des « manquements » à ses obligations. Force est malheureusement de constater que ces sanctions semblent sans effet, tant ces chaînes acceptent de payer des amendes considérables afin de poursuivre leurs motivations idéologiques et – dans la dernière séquence électorale – de faire preuve d’un parti pris piétinant toutes les règles de l’information et du débat pluraliste.
Dans un contexte de montée de tensions, la LDH considère que l’Arcom joue un rôle important comme autorité de contrôle afin que les discours haineux et situés bien au-delà des excès accordés à la liberté d’expression ne trouvent pas un écho dans les médias audiovisuels. Cette préoccupation, en accord avec la loi de 1986 relative à la liberté de communication, qui devrait être respectée, devrait conduire à ce que la distribution des quinze fréquences publiques de la TNT contribue de façon décisive à assurer dans notre pays une liberté d’information et de débat pluraliste et démocratique.
C’est dans l’espoir que vous voudrez bien prendre en considération nos préoccupations, que je vous prie de croire, Monsieur le président, en l’expression de mes respectueuses salutations.
Nathalie Tehio,
présidente de la LDH
Paris, le 15 juillet 2024