L’inquiétude de tous est accrue par le constat que les centres de pouvoirs s’éloignent au gré des transferts de souveraineté, de fait ou de droit, qui accompagnent l’intégration européenne ou la mondialisation économique. L’empilement des nouveaux lieux de décision accentue l’illisibilité du système.
L’espoir d’un changement revendiqué comme urgent se heurte à un consensus sur une raison économique qui vient compléter la raison d’État. A quoi bon voter si les choix sont définis d’avance par des sondages et si les médias contribuent à la banalisation politique par leur charge de papier et d’image convenus ? De moins en moins de contre pouvoirs, de plus en plus de consensus producteur de pouvoir supplémentaire. Le Politique doit redevenir le cœur de la société car c’est le primat de toute démocratie.
Les citoyens ressentent que, moins qu’avant, la démocratie ne se résout à l’exercice du droit de vote de manière régulière et répétée : la représentation ne suffit pas, si tant est qu’elle ait jamais suffi, à mettre le Politique au cœur de la société. Accroissement du niveau d’éducation et d’information, montée de l’autonomie individuelle, affaiblissement considérable de toutes les institutions privées qui offraient un cadre et des règles (famille patriarcale, religion, partis et syndicats de masse, etc.) se conjuguent pour rendre la délégation de moins en moins supportable à des individus de moins en moins dociles et de moins en moins enclins à se lier à des démarches collectives susceptibles d’aliéner leurs libertés. De moins en moins formés, aussi, au fonctionnement des règles collectives qui conditionnent la démocratie, notamment par une école souvent submergée par d’autres problèmes. Les acteurs de la représentation sont affaiblis dans leur légitimité comme dans leurs pouvoirs réels.
La conjugaison de l’exclusion de millions de personnes et du sentiment de l’inutilité d’un système qui n’exprime plus efficacement les demandes des citoyens, n’est plus vécu comme porteur d’écoute et conduit à une désaffection à l’égard des pratiques citoyennes dont la plus marquante et le taux d’abstention aux élections. L’obligation de faire figurer des femmes sur les listes électorales n’a, par exemple, pas réglé la vieille question de la place et de la représentation des femmes en démocratie.
D’autres phénomènes viennent expliquer ce constat mais, tous conduisent à nous interroger sur le fonctionnement de la démocratie en France.
Il serait erroné, à cet égard, de borner cette interrogation aux seuls aspects constitutionnels. Au delà des querelles théoriques sur le fonctionnement des institutions, l’impuissance dans laquelle nous sommes de les réformer tout en ayant conscience de leurs insuffisances, traduit un questionnement bien plus profond.
De quelle démocratie avons nous besoin ?
Cette question mérite d’être posée à plusieurs niveaux tant il est vrai que la démocratie est, par définition, un système complexe où s’entremêlent des pouvoirs différents qui s’articulent entre eux de manière polymorphe.
Au point de départ de cette interrogation, cependant, se trouvent les prémices de toute démarche démocratique : la liberté, individuelle et collective, et l’égalité des droits mais aussi la primauté du politique. Nous en avons besoin pour que tous se sentent respectés et entendus. Nous en avons besoin pour donner à tous ceux qui vivent en France la volonté de participer à leur avenir.
C’est en s’appuyant sur ces principes qu’il est possible de cerner les termes du débat.