Communiqué LDH
La mise en œuvre du passe sanitaire provoque de fortes tensions dans la société. Cela rend d’autant plus nécessaire un large débat public sur les conséquences des décisions prises cet été. Le gouvernement ne peut s’exonérer de sa responsabilité après des mois d’une gestion de crise à la fois autoritaire et chaotique. Sa logique constamment sécuritaire, de surveillance et de restrictions disproportionnées des libertés publiques, s’est doublée d’une communication approximative quand elle n’était pas mensongère. Cet amoindrissement de la parole publique a sa part dans la confusion des débats comme dans la fronde et les doutes d’une partie de la population. Et il nous faut désormais faire face à des discours complotistes et à un antisémitisme décomplexé.
Il n’est pas trop tard pour prendre le chemin de la démocratie dans la gestion de la pandémie, en associant les citoyennes et les citoyens à la protection de la santé collective au lieu de les infantiliser. La primauté doit être donnée à une politique de prévention fondée sur les connaissances scientifiques et la transparence, la pédagogie et l’explication, plutôt qu’à des mesures de contrainte directe ou indirecte, d’ailleurs désapprouvées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de vaccination.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) réaffirme le droit universel à l’accès aux soins et au vaccin dont l’utilité sanitaire est avérée. L’effectivité de ce droit passe, à l’échelle mondiale, par la levée des brevets sur les vaccins comme le préconise la campagne d’initiative citoyenne européenne « Pas de profit sur la pandémie ». En France, elle suppose d’apporter directement le vaccin aux personnes les plus éloignées des soins, de l’information et d’Internet, notamment les étrangers en situation irrégulière ou les personnes les plus âgées vivant hors institutions qui sont actuellement moins vaccinées qu’ailleurs en Europe.
Le passe sanitaire, quant à lui, concrétise les dangers déjà dénoncés lors du déploiement de l’application TousAntiCovid. La LDH s’alarme de ses conséquences sur l’égalité d’accès aux droits, la vie privée et le secret médical. Parmi les nombreuses contraintes d’accès à des activités ou services, les restrictions d’entrée à l’hôpital hors urgences sont inacceptables, tout comme celles appliquées à des lieux favorisant l’accès aux droits les plus fondamentaux. La privatisation des contrôles, y compris dans les établissements de santé, entraîne son lot d’abus et de tensions, avec des atteintes au secret médical et, de plus en plus fréquemment, aux droits des salariés, ainsi la mesure de suspension de salaire.
Le dispositif du passe est urgemment à réévaluer dans son application sinon dans son principe. Utile pour la santé publique et nécessaire à l’égalité dans l’obtention de ce sésame qui conditionne de nombreux droits, la gratuité des tests doit être maintenue jusqu’à l’échéance prévue par la loi, fixée actuellement au 15 novembre et qui ne saurait être repoussée.
La LDH appelle à réfléchir et à débattre collectivement sur les enjeux de fond mis en lumière par la gestion de la crise sanitaire, notamment de solidarité internationale, de relation aux sciences et à la raison en démocratie, de confiance dans les institutions et d’interdépendance des libertés publiques et individuelles. Elle continuera d’y contribuer dans la période à venir.
Paris, le 14 septembre 2021