Rétablissement des contrôles aux frontières intérieures

Lettre ouverte de l’Anafé, dont la LDH est membre, et du Gisti adressée à la Commission européenne, après le classement de la plainte contre l’Etat français pour non-respect du code frontières Schengen.

La France a rétabli les contrôles à ses frontières intérieures en octobre 2015 et les maintient constamment verrouillées depuis. Elle vient de notifier à la Commission européenne son intention de maintenir ces contrôles du 1er novembre 2024 au 30 avril 2025 [1]. Pourtant, en vertu du principe de libre circulation dans l’espace Schengen, un Etat membre ne peut rétablir les contrôles à ses frontières intérieures plus de 6 mois, sauf apparition d’une nouvelle menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, distincte de la précédente [2]. Au mépris du droit de l’Union européenne (UE) et depuis près de dix ans, le gouvernement impose donc un contrôle systématique et permanent des mouvements de personnes étrangères à ces frontières, notamment terrestres.

Chaque année depuis 2015, des dizaines de milliers de personnes exilées ont été contrôlées « au faciès » aux frontières intérieures françaises puis refoulées au mépris de leurs droits comme l’ont constaté la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le 21 septembre 2023 [3], puis le Conseil d’Etat, le 2 février 2024 [4].

L’Anafé et le Gisti avaient saisi la Commission européenne le 3 décembre 2018 d’une plainte dénonçant la violation de la législation de l’UE par un Etat membre. Cette plainte reprochait aux autorités françaises d’avoir rétabli des contrôles systématiques aux frontières intérieures depuis octobre 2015, en violation des dispositions des articles 22 et 25 du code frontières Schengen [5]. En l’absence de réponse, des courriers complémentaires ont été adressés à la Commission à 5 reprises.

Ce n’est que le 25 avril 2024, après 6 années de silence et de relances, que nos organisations ont reçu une réponse de la Commission annonçant que notre plainte allait être classée. La Commission a refusé de tirer les conclusions de la jurisprudence de la CJUE et de faire sanctionner un détournement manifeste, par la France, des finalités du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Sous prétexte sécuritaire, la France a utilisé, pendant des années, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures pour faire du contrôle migratoire, en violation du code frontières Schengen [6].

À l’heure où la France vient d’annoncer un nouveau rétablissement des contrôles aux frontières intérieures aériennes, terrestres et maritimes avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne, l’Anafé et le Gisti ont décidé de rendre publique leur lettre en réponse à la Commission afin de rappeler que si la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen n’a été instaurée qu’au profit exclusif des citoyens de l’Union, l’abolition des contrôles aux frontières intérieures – qui constitue l’un des moyens de garantir cette liberté de circulation – doit bénéficier à toute personne « quelle que soit sa nationalité » [7].

Pour lire l’intégralité de la plainte et des courriers adressés à la Commission européenne ainsi que la réponse de la Commission : http://www.anafe.org/spip.php?article727&var_mode=calcul

Paris, le 17 octobre 2024

[1] À consulter sur le site internet de la Commission européenne : https://home-affairs.ec.europa.eu/policies/schengen-borders-and-visa/schengen-area/temporary-reintroduction-border-control_en?prefLang=fr
[2] CJUE, Grde Ch., 26 avril 2022, NW, aff. jointes C-368/20 et C-369/20.
[3] CJUE, 21 septembre 2023, ADDE et a., Affaire C-143/22.
[4] Conseil d’État, 2 février 2024, ADDE et a., n° 450285.
[5] Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
[6] Règlement (UE) 2016/399, considérant (26) : « la migration et le franchissement des frontières extérieures par un grand nombre de ressortissants de pays tiers ne devraient pas être considérés en soi comme une menace pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ».
[7] Article 22 du code frontières Schengen.

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