Alerte de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations.
L’Observatoire a été informé de la condamnation de M. Oleg Orlov, coprésident du Centre de défense des droits humains Memorial (HRDC « Memorial »), une organisation membre de la FIDH. Éminent défenseur russe, M. Orlov a reçu le Prix Sakharov pour la liberté d’expression en 2009, et en 2012 le Prix du Groupe Helsinki de Moscou pour sa « contribution historique à la défense des droits humains et au mouvement de droits humains ».
Le 27 février 2024, le tribunal du district de Golovinsky à Moscou a condamné Oleg Orlov à deux ans et six mois d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire pour avoir « discrédité de manière répétée » l’armée russe. La Cour a retenu une circonstance aggravante au motif que le crime aurait “été commis sur la base d’une hostilité idéologique à l’égard du groupe social ‘militaires des forces armées de la Fédération de Russie' » (article 63 – 1(e) du code pénal). Il a été escorté de la salle d’audience menotté, par un contingent d’au moins huit agents des forces de l’ordre, puis transporté au centre de détention № 7 « Kapotnia » à Moscou. L’équipe juridique d’Orlov compte faire appel de cette décision.
L’Observatoire rappelle que le 21 mars 2023, le Comité d’enquête de la Fédération de Russie a ouvert une procédure pénale à l’encontre d’Oleg Orlov pour « actions publiques visant à discréditer l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie » (article 280.3 (1) du Code pénal). Cette accusation est basée sur un article écrit par Oleg Orlov intitulé « Russie : ils voulaient le fascisme, ils l’ont eu » publié sur le blog français Le Club de Mediapart le 13 novembre 2022.
Le 11 octobre dernier, le tribunal du district de Golovinsky à Moscou avait reconnu Oleg Orlov coupable d' »actions publiques visant à discréditer l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie » et l’avait condamné à une amende de 150 000 roubles (environ 1 409 euros).
Oleg Orlov a fait appel de cette décision du tribunal de district de Golovinskiy, demandant à être acquitté. Le bureau du procureur a également fait appel en demandant une peine d’emprisonnement de trois ans pour Orlov. Le 14 décembre 2023, le tribunal municipal de Moscou a examiné les deux appels et a décidé de renvoyer l’affaire devant le comité d’enquête.
Après un complément d’enquête, l’affaire a été renvoyée devant le tribunal du district de Golovinsky, à Moscou, dans un délai particulièrement court. Orlov et son avocat n’ont eu que cinq jours pour consulter les sept volumes du dossier et préparer leur défense. Afin de délivrer l’acte d’accusation le plus rapidement possible, l’enquêteur a envoyé des huissiers armés de fusils automatiques afin de remettre les documents à l’avocat d’Orlov au lieu de les envoyer par la poste. Cette hâte dans le procès semble être motivée par les élections présidentielles prévues pour le 17 mars 2024.
La deuxième audience, qui s’est tenue le 27 février 2024, s’est déroulée en accéléré. M. Orlov, qui avait été qualifié d' »agent étranger » par le ministère russe de la justice deux semaines auparavant, a refusé d’y participer. Il a cité « Le procès » de Franz Kafka, exprimant son opposition à la procédure politiquement motivée. M. Orlov s’est également interdit d’impliquer des témoins, craignant qu’ils ne soient également étiquetés comme « agents étrangers » en raison de leur coopération.
L’Observatoire rappelle qu’en 2022, Oleg Orlov avait été condamné à cinq amendes pour avoir manifesté seul contre contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L’Observatoire dénonce la condamnation d’Oleg Orlov et appelle les autorités russes à le libérer immédiatement et sans condition, à l’acquitter et à cesser tout acte de harcèlement, y compris aux niveaux administratif et judiciaire, à son encontre et à l’encontre de tous les défenseurs des droits humains et organisations en Russie.
L’Observatoire appelle également les autorités russes à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’expression, tel qu’il est consacré par les normes internationales en matière de droits humains, et en particulier par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
– Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique d’Oleg Orlov, et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains en Russie ;
– Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle d’Oleg Orlov, car sa détention est arbitraire ;
– Acquitter Oleg Orlov et mettre immédiatement fin à tous les actes de harcèlement, y compris aux niveaux judiciaire et administratif, à son encontre ainsi qu’à l’encontre de tous les défenseur·es des droits humains dans le pays ;
– Garantir, en toutes circonstances, les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, tels qu’ils sont consacrés par le droit international relatif aux droits humains, et en particulier par les articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le 28 février 2024