Lettre ouverte de Patrick Baudouin, président de la LDH, adressée à Emmanuel Macron, président de la République
Monsieur le Président de la République,
Alors qu’il s’est trouvé une nouvelle fois, sans charge ni procès, placé en détention administrative, notre compatriote l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri a été récemment transféré de la prison d’Ofer à la prison de haute sécurité d’Hadarim, en guise de punition supplémentaire pour vous avoir adressé une lettre exposant sa situation.
Tout démontre que cet acharnement punitif infligé par le pouvoir israélien à Salah Hamouri est motivé par son action pour la défense des droits des prisonniers politiques palestiniens dans le cadre de l’association palestinienne Adameer, qualifiée abusivement de « terroriste » par Israël avec d’autres organisations palestiniennes telle par exemple Al Haq, association membre comme la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). S’y ajoute le fait aggravant pour les autorités que Salah Hamouri réside dans sa ville natale de Jérusalem – en l’occurrence Jérusalem Est – où sévit, sous la pression des associations de colons, une politique de plus en plus radicale de judaïsation.
Dans ce cadre, le ministre israélien de l’Intérieur avait déjà révoqué l’année dernière la résidence permanente de Salah Hamouri en s’appuyant sur la loi de Citoyenneté d’Israël de 2008 lui permettant une telle révocation, avec la simple approbation d’un tribunal de district. Évidemment cette loi, qui n’existe dans aucun autre pays au monde et est qualifiée d’illégitime et contraire au droit international par des associations israéliennes comme l’Acri (Association pour les droits civils en Israël) ou l’Adalah (Centre juridique pour les droits de la minorité arabe), ne s’est jamais appliquée qu’à des citoyens arabes israéliens ou résidents de Jérusalem Est. Elle s’ajoute aux dizaines de lois et décrets qui font des Palestiniens des citoyens de seconde zone en Israël, de qui on exige une allégeance totale, tout en les privant d’une partie de leurs droits fondamentaux.
La France ne saurait rester silencieuse en présence du sort injuste et révoltant ainsi réservé à un citoyen disposant de la nationalité française.
C’est pourquoi, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) vous demande de bien vouloir reprendre de façon urgente les démarches déjà engagées pour voir mettre fin immédiatement à la détention arbitraire de Salah Hamouri, et pour lui voir rendre sa liberté pleine et entière afin qu’il puisse vivre dans sa maison et sa ville natale avec sa femme et ses enfants, aller et venir sans restriction dans et hors d’Israël et exercer sa profession d’avocat en continuant à se consacrer à la plus noble des causes, celle de la défense des droits de l’Homme.
A l’appui de cette demande, et afin de pouvoir échanger avec vous sur notre grande préoccupation au regard des éléments dont nous disposons, nous sollicitons également un prochain rendez-vous.
Nous vous remercions par avance de la suite favorable que vous voudrez bien donner au présent courrier.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute considération.
Patrick Baudouin
Président de la LDH
Paris, le 29 juillet 2022