Communiqué commun dont la LDH est signataire
Prenant acte des décisions rendues par le Conseil d’Etat le 3 juin 2022, le juge administratif a annulé, le 6 juillet 2022, les décisions du préfet de Seine-Saint-Denis qui imposaient l’utilisation d’un téléservice pour les demandes de titre de séjour. Il a donné à la préfecture un délai d’un mois pour faire connaître les solutions alternatives et les modalités d’accompagnement qu’elle compte mettre en œuvre.
Dans son jugement rendu le 6 juillet 2022, le tribunal administratif rappelle que « la préfecture de la Seine-Saint-Denis a mis en place en 2016 puis généralisé à certaines catégories de titres de séjour (…) une procédure dématérialisée obligatoire de prise de rendez-vous sur le site internet de la préfecture en vue de la convocation des étrangers au guichet et du dépôt de leurs demandes ». Comme l’ont régulièrement dénoncé de nombreuses organisations au cours des dernières années, cette procédure de prise de rendez-vous par Internet a eu pour effet de bloquer le dépôt des demandes de titre de séjour, notamment pour les personnes demandant une admission exceptionnelle au séjour. Les files d’attente physiques ont été remplacées par des files d’attente invisibles mais bien réelles, pouvant durer des mois, voire plus d’un an pour l’obtention d’un simple rendez-vous.
Cette situation a provoqué l’inflation des recours en justice. Et si le tribunal administratif de Montreuil donne le plus souvent raison aux requérant·es en ordonnant à la préfecture de leur donner un rendez-vous, cette dernière ignore trop souvent la décision de justice, contraignant les personnes concernées à démultiplier les démarches juridiques.
Avec la décision rendue le 6 juillet 2022 par le juge administratif, le préfet de Seine-Saint-Denis va devoir revoir l’organisation de ses services : « le présent jugement implique nécessairement (…) que le préfet de la Seine-Saint-Denis mette en place des alternatives effectives et crédibles aux
téléservices de prise de rendez-vous et de dépôt de pièces, permettant aux ressortissants étrangers de saisir l’autorité préfectorale aux fins de présentation de leurs demandes de titres de séjour et de naturalisation ». Le tribunal demande au préfet de lui faire parvenir dans un délai d’un mois des éléments sur les solutions alternatives aux prises de rendez-vous et dépôt en ligne, mais également sur les modalités d’accueil et d’accompagnement au téléservice ANEF réservé au dépôt de certaines demandes de titre de séjour.
La préfecture de Seine-Saint-Denis appliquera-t-elle enfin les décisions de justice ? Nos organisations relèvent avec inquiétude que dès le lendemain de la décision, de nouvelles modalités d’accès aux guichets pour la préfecture de Bobigny et les sous-préfectures du Raincy et de Saint-Denis ont été diffusées… qui imposent aux personnes demandant un titre de séjour de solliciter un rendez-vous via internet !
Nos organisations exigent le respect par la préfecture de Seine-Saint-Denis des décisions rendues par le Conseil d’Etat et par le tribunal administratif de Montreuil : la dématérialisation doit cesser d’être imposée pour l’accès aux guichets préfectoraux et des moyens supplémentaires doivent être dédiés à l’accueil et l’accompagnement humain des personnes demandant un titre de séjour.
Rappel : le tribunal administratif de Montreuil fait partie des 23 tribunaux administratifs saisis par nos organisations de demandes d’annulation des décisions préfectorales imposant la dématérialisation des demandes de titre de séjour (prises de rendez-vous, dépôts de pièces en ligne…). A l’instar de celui de Versailles, il avait demandé il y a quelques mois l’avis du Conseil d’Etat pour se prononcer sur nos demandes. Le 3 juin 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé : les préfectures ne peuvent imposer de leur propre chef l’obligation d’utiliser un téléservice pour les demandes de titres de séjour et doivent nécessairement proposer des alternatives.
Signataires : Cimade, Gisti, Syndicat des avocats de France (Saf), LDH (Ligue des droits de l’Homme), Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Secours catholiques Caritas France.
Paris, le 21 juillet 2022