Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH
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Le ministre de l’Intérieur, sans souci des règles d’un Etat de droit, se refuse en revanche à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux dévoiements d’une police dont il a la responsabilité, que ce soient les violences policières, l’usage incontrôlé d’armes à feu lors de refus d’obtempérer, ou l’abus de verbalisation vis-à-vis de catégories de population stigmatisées.
Si la période estivale a connu des températures caniculaires, le climat politique a eu à subir quelques coups de chaleur dus à l’omniprésence calculée de notre agité ministre de l’Intérieur. Le lancement de sa campagne électoraliste à relent xénophobe a commencé par l’annonce d’un nouveau projet de loi sur l’immigration destiné tant à durcir les conditions d’entrée et de séjour des étrangers qu’à faciliter leur expulsion du territoire français. Dès cette annonce formulée, Gérald Darmanin s’est livré à un exercice de mise en pratique au travers de la prise d’un arrêté d’expulsion à l’encontre de l’imam Iquioussen. Il s’en est suivi un bien mauvais feuilleton, alimenté jusqu’à la nausée par une surexposition médiatique du sujet. La LDH, tout en soulignant sa ferme condamnation de tous propos antisémites, homophobes ou contraires à l’égalité homme-femme, est intervenue volontairement à la procédure administrative de demande de suspension d’exécution de l’arrêté d’expulsion pour rappeler les principes de droit applicables, et notamment le droit au respect de la vie privée et familiale, à l’égard, en l’espèce, d’une personne âgée de 58 ans ayant toujours vécu en France et ne présentant pas de dangerosité prouvée pour l’ordre public. Après avoir été désavoué par le tribunal administratif, le ministre de l’Intérieur, au prix d’une forte pression exercée sur la justice, a obtenu satisfaction devant le Conseil d’Etat dont il faut espérer que la décision ne vaudra pas jurisprudence pour l’avenir. Toujours est-il que si le dépôt en a été retardé, le projet de loi sur l’immigration demeure programmé pour le début de l’année prochaine, nécessitant la mise en place d’une mobilisation argumentée contre son adoption.
Mais enfourchant décidément le cheval de la droite extrême, monsieur Darmanin s’est également illustré par un discours sécuritaire dont le paroxysme a été atteint lors de son déplacement à Mayotte avec la proposition de création de camps de rééducation et de redressement pour les mineurs. Le ministre de l’Intérieur, sans souci des règles d’un Etat de droit, se refuse en revanche à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux dévoiements d’une police dont il a la responsabilité, que ce soient les violences policières, l’usage incontrôlé d’armes à feu lors de refus d’obtempérer, ou l’abus de verbalisation vis-à-vis de catégories de population stigmatisées. C’est bien à tort qu’en s’appropriant ainsi les idées détestables de l’extrême droite sur l’immigration et la sécurité, qu’il contribue ainsi à banaliser, Gérald Darmanin prétend entraver l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national, oubliant que sera toujours préféré l’original à la copie. C’est au contraire en combattant de telles idées et en luttant pour plus d’égalité et de justice sociale que la démocratie pourra être préservée. Tel sera le sens de l’investissement de l’ensemble des membres de la LDH dans les mois à venir, qui connaîtront sans doute diverses autres turbulences avec le projet de réforme des retraites et une précarité accrue du fait de l’augmentation du coût de la vie.
Le panorama de l’été en France ne saurait faire oublier la poursuite de situations conflictuelles dans le monde. Ainsi en va-t-il pour la guerre en Ukraine qui renvoie le continent européen aux horreurs d’une époque espérée révolue avec son cortège d’atrocités, de massacres, de viols, de charniers. Outre le sentiment immédiat de révolte face à l’absurdité de conflits qui provoquent tant de victimes, force est de constater en outre le risque de déstabilisation et de crise non seulement en Europe mais dans le monde entier en raison des pénuries générées, avec la forte hausse corrélative des prix de l’énergie, de l’alimentation et de diverses matières premières. Les efforts nécessaires aux fins de retour à une paix qui ne se profile pas aujourd’hui doivent s’appuyer sur la lutte quant à elle entamée contre l’impunité, en soutenant notamment la Cour pénale internationale pour une avancée rapide des enquêtes et mises en cause de responsables. Le combat contre l’impunité sera l’un des thèmes majeurs abordés lors du prochain congrès, fin octobre, qui sera celui du centenaire de la FIDH, laquelle est spécialement investie dans ce domaine de la justice internationale. Il y aura là également une occasion majeure pour la LDH, puissance invitante du congrès, de montrer tout son attachement à la défense universelle, partout dans le monde, sans sélectivité, des valeurs des droits et libertés.