Par le groupe de travail « Outre-mer »
La situation alarmante des prisons en outre-mer est dénoncée depuis dix ans par les associations et de nombreux rapports officiels sans que les évolutions et réformes préconisées, y compris au plus haut niveau de l’État, aient modifié la donne.
La situation dégradée au niveau de la surpopulation, de conditions matérielles entraînant des conditions indignes de vie et d’absence d’hygiène, de l’absence d’activité engendrant un ennui qui rend fou, d’une grande précarité entraînant même des difficultés à se nourrirpourdespopulations que les familles ne peuvent pas venir visiter, car trop éloignées ou empêchées de venir par les lois sur la circulation des non-nationaux. Un grand nombre de détenus sont de jeunes autochtones, tant en Nouvelle-Calédonie qu’en Guyane où les populations « marrons » du fleuve Maroni sont surreprésentées. Cette population est massivement illettrée et non locutrice de français. Un nombre important de ces jeunes détenus sont incarcérés pour trafic de drogue, activité » qui, en Guyane, leur apparaît comme seule possibilité d’accéder à la société de consommation, seule « valeur » qu’ils perçoivent de la société occidentale avec laquelle ils sont confrontés depuis une trentaine d’années.
La situation des prévenus en attente de jugement est décrite comme pire que celle des personnes jugées.
Une grande violence règne dans ces prisons.
Les actions individuelles en justice des détenus ont été suivies de décisions qui leur sont favorables depuis 2012, mais n’ont pas fait évoluer la situation.
Il semblerait que ces actions en justice sont suivies ensuite de représailles et peinent à trouver des avocats, en Guyane notamment.
La situation dans ces prisons d’outre-mer est tellement indigne, qu’une décision a été prise en Grande-Bretagne, en 2013, de ne pas renvoyer en Martinique un détenu[1], décision citée dans la revue Vigilance d’Action des chrétiens contre la torture (Acat) :
« Londres refuse une extradition vers les Antilles françaises en raison des conditions de détention inhumaines.
« La surpopulation et la vétusté des prisons françaises des Antilles ont justement été pointées du doigt par la Grande-Bretagne dans le cadre d’une procédure d’extradition.
« Un trafiquant de drogues présumé, recherché en Guadeloupe, était détenu depuis juin 2013 en Grande-Bretagne. La France avait demandé l’extradition de cette personne, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, afin de pouvoir la juger aux Antilles, où les faits avaient été commis.
« Cependant, la justice britannique a refusé cette extradition, estimant que les conditions de détention dans les prisons françaises d’outre-mer “ne respectent pas les droits de l’homme”.
« Un rapport sur les conditions de détention au centre pénitentiaire de Ducos (Martinique), remis en juin 2013 à la garde des Sceaux ChristianeTaubira, pointait déjà du doigt la surpopulation chronique de cet établissement. L’Observatoire international des prisons (OIP) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avaient tour à tour dénoncé les conditions de détention en outre-mer.
« Cette décision de la justice britannique vient une fois de plus nous alerter sur cette situation. »
Une enquête, réalisée à la prison de Remire en Guyane par l’anthropologue Diane Vernon, en 2006, et jamais publiée, fournit des informations que l’on peut supposer toujours d’actualité.
Un article de la section de Nouvelle-Calédonie attire l’attention sur le cas des malades en prison, « Du détenu malade au malade détenu » : leur situation ôte à ces détenus l’accès au droit à la santé.
Liens :
Révoltes de détenus, voir les articles de France-Guyane :
« La politique carcérale à bout de souffle », 19 juin 2015
« Légère mutinerie à la prison », 16 juin 2015
« Un détonateur sur un terreau d’insatisfaction », 17 juin 2015
« 189 détenus ont bloqué la prison », 18 juin 2015
Autres documents et rapports sur le site migrants outre-mer
Actes du colloque co-organisé par l’OIP et le Centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux (CREDOF), en collaboration avec la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) : « Défendre en justice la cause des personnes détenues »
[1] Bulletin « Vigilence France » n° 20, juin 2014, Acat, 2013.