Communiqué de la FIDH, dont la LDH est membre
Khartoum, Nairobi, Paris, 28 Octobre 2021 – La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’African Center for Justice and Peace Studies (ACJPS) et le Sudan Human Rights Monitor (SHRM) condamnent avec la plus grande fermeté le coup d’Etat militaire du 25 octobre et l’arrestation d’une vingtaine de personnes du Conseil souverain et du Conseil des ministres, ainsi que d’autres hauts fonctionnaires, dont le Premier ministre et deux dirigeants de l’accord de paix pour le Darfour, parmi lesquels deux auraient été soumis à des actes de torture.
Nos organisations sont profondément préoccupées par la déclaration du général Burhan du 25 octobre proclamant la dissolution des instances gouvernementales, la suspension des articles clés de la Charte constitutionnelle pour la période de Transition adoptée en 2019 et approuvée par le Conseil Militaire, l’instauration de l’état d’urgence à l’échelle nationale ainsi que la coupure du réseau d’internet, mise en œuvre afin de faire taire les voix des civils, des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile. Nous sommes également préoccupés par la décision du général Burhan, en date du 26 octobre, de dissoudre les comités de gestion des syndicats du pays.
Nos organisations condamnent fermement la répression violente et disproportionnée menée par les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) à l’encontre des manifestants venus protester pacifiquement contre ce coup d’État. Au moment où nous écrivons ces lignes, les manifestations se poursuivent. Du fait de l’usage excessif de la force et des balles réelles tirées sur la foule par les SAF et les RSF, au moins sept personnes seraient décédées et 150 autres auraient été blessées. En outre, le 25 octobre, des centaines d’étudiants ont été battus suite à un raid mené par les forces conjointes des SAF et RSF dans l’université de Khartoum.
“Nous appelons les forces armées, la police et toutes les forces de sécurité à s’abstenir de tout usage strictement non nécessaire, injustifié et disproportionné de la force, et à respecter le droit des personnes à se réunir pacifiquement, à s’associer et à s’exprimer librement, y compris dans les médias et en ligne.” »
Les militaires et leurs alliés doivent respecter et appliquer strictement la Charte constitutionnelle de 2019 qui répond aux aspirations du peuple soudanais en matière de liberté, de paix et de justice, en remettant la tête du Conseil Souverain aux civils, ainsi que l’accord de paix de Juba qui fixe les conditions d’organisation d’élections libres et équitables.
“Les efforts pour lutter contre l’impunité et en faveur de la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle doivent être renforcés. Les auteurs de graves violations des droits humains, y compris des crimes internationaux commis sous le régime d’el-Bechir, mais aussi des crimes commis pendant la période de transition, notamment lors du massacre du 3 juin, doivent être poursuivis.”
La coopération avec le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre de ses enquêtes et poursuites vis-à-vis de la situation au Darfour/Soudan, y compris à l’encontre de M. el-Bechir et d’autres auteurs de crimes internationaux commis au Darfour depuis juillet 2002, doit rester une priorité à cet égard.
Nous appelons les États à condamner publiquement le coup d’État et à suspendre immédiatement les exportations d’armes et de munitions vers le Soudan afin d’éviter que d’autres violations des droits humains ne soient commises.
« La situation est critique, avec un risque de voir tous les efforts vers la démocratie et le respect des droits humains, depuis l’accord de paix de Juba d’octobre 2020, être remis en cause. Nous appelons les partenaires du Soudan, et en particulier l’IGAD, l’Union africaine et l’Union européenne à coordonner leurs efforts en faveur du rétablissement d’une transition civile pacifique. »
Nous saluons la décision du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) de suspendre la participation du Soudan à toutes les activités de l’UA jusqu’à la restauration effective des autorités de transition dirigées par les civils et d’entreprendre une mission au Soudan afin de dialoguer avec toutes les parties prenantes. Nous réitérons l’urgence pour le président de la Commission de l’UA de prendre les mesures nécessaires et d’intensifier son engagement auprès des dirigeants du gouvernement de transition et du Conseil Souverain. Nous demandons également au Conseil de paix et de sécurité (CPS) de mettre en place toutes les mesures préventives pour éviter que la commission de crimes contre l’humanité, conformément à l’article 4-h de l’Acte constitutif de l’Union africaine et aux articles correspondants du protocole de paix et de sécurité.
“Nous demandons à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) de condamner immédiatement le coup d’État militaire et d’exiger la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes arbitrairement détenues à commencer par les autorités civiles de la transition qui doivent être rétablies dans leurs fonctions.”
Nous nous faisons l’écho des déclarations du Secrétaire général des Nations unies et de la Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, ainsi que des appels pressants à soutenir l’aspiration du peuple soudanais à consolider la démocratie. À cet égard, la décision du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, en septembre 2021, de ne pas renouveler son examen et son assistance concernant la situation des droits humains au Soudan était prématurée et devrait être revue. Nous appelons les États membres du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à convoquer de toute urgence une session spéciale sur le Soudan, à adopter une résolution condamnant le coup d’État et prévoyant des mesures adéquates pour soutenir les réformes des droits humains au Soudan.
Nous demandons en outre la mise en place rapide d’une enquête régionale ou internationale indépendante sur les violations des droits humains qui ont eu lieu dans le cadre du coup d’État.
Le 28 octobre 2021