Communiqué du Syndicat des avocats de France (Saf) et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)
En avril 2021, dix anciens activistes italiens ont été interpellés par la sous-direction antiterroriste (SDAT) en vue de leur extradition vers l’Italie.
Tous âgés de 65 à 80 ans, ils et elles vivent en France au grand jour depuis près de 40 ans et l’un d’eux a acquis la nationalité française.
Cette procédure d’extradition enclenchée par la France, au nom d’un « absolu besoin de justice », va à l’encontre des engagements pris par le gouvernement français à l’égard des Italiens au cours des années 80, communément appelée « doctrine Mitterrand »[1].
« Ce qui importe avec le terrorisme », déclarait François Mitterrand, « ce n’est pas tant de savoir comment on y entre, mais plutôt de savoir comment on en sort ».
Au nom de cette doctrine, la France a, au fil des années, accueilli des condamnés, s’engageant à ne pas les extrader.
Or, 40 ans plus tard, la France se dit prête à remettre ces « asilés » à l’Italie pour exécuter une peine – pour l’un, voire deux, d’entre eux au moins prescrite – prononcée la plupart du temps à l’issue de procès de masse ou sans la présence de certains accusés.
En France, après vingt ans, une peine criminelle ne peut plus être exécutée, et tout justiciable condamné en son absence peut faire opposition de sa condamnation. Tel n’est pas le cas en Italie.
Ces dix Italiens ne sont pas moins ou plus coupables que les centaines d’Italiens réfugiés en France dans les années 80 qui, aujourd’hui et depuis des décennies, circulent librement en Italie, en Europe ou à travers le monde.
Ces dix-là ont simplement été condamnés plus tard que les autres, au hasard d’un calendrier judiciaire et des déclarations de repentis nécessairement arbitraires. Ils sont devenus les otages judiciaires de petits arrangements entre Etats.
La décision d’extrader ces asilés est éminemment politique.
S’ils sont renvoyés vers l’Italie, aucun aménagement ne sera possible. Toute leur vie construite en France sera réduite à néant.
« La vengeance déguisée en justice est notre plus affreuse grimace » écrivait François Mauriac.
Le SAF et la LDH appellent toutes les avocates et tous les avocats à se rassembler devant la chambre de l’extradition de la Cour d’appel de Paris, le mercredi 12 janvier 2022 à 14 heures lors de l’audience qui déterminera si la procédure peut aller à son terme, pour les soutenir.
Paris, le 21 décembre 2021