Communiqué LDH
Une proposition de loi du Rassemblement national (RN) qui envisage de « supprimer ou de suspendre les allocations familiales des parents des mineurs criminels ou délinquants » va être examinée le 12 octobre à l’Assemblée nationale. Elle prétend faire suite aux émeutes de l’été 2023 après la mort du jeune Nahel, tué à bout portant par un policier lors d’un simple contrôle routier, et se présente comme une solution à la délinquance des jeunes.
Pourtant, cette loi, qui aboutirait à supprimer les allocations familiales pendant une durée de 24 mois à des familles, pour la plupart monoparentales, pour d’éventuelles infractions commises par des mineurs même sans antécédents, serait non seulement contreproductive, mais également discriminatoire.
Discriminatoire pour commencer. Outre la confusion pernicieuse entretenue entre « mineurs criminels » et « mineurs délinquants » (la plupart des mineurs étant condamnés pour rébellion, outrage ou usage de stupéfiants et non pas pour crime), la suppression ou la suspension des allocations familiales est contraire au préambule de notre constitution selon lequel « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
Il s’agirait en outre d’une punition collective, contraire au principe de personnalité des peines : les parents seraient condamnés pour des infractions causées par leurs enfants. Or, si les parents sont responsables civilement de leurs enfants (indemnisation des préjudices), sauf s’ils manquent volontairement à leurs obligations parentales, ils n’en sont pas responsables pénalement.
Contreproductive ensuite. La possibilité de suspendre ou de supprimer les allocations familiales a déjà existé entre 1959 et 2012, et elle a été abandonnée devant le constat qu’empêcher les familles de payer la cantine scolaire ou les activités sportives des enfants ne faisait en définitive qu’accentuer les problèmes de délinquance des mineurs.
De plus, la suppression des allocations familiales pouvant engendrer des expulsions locatives, cela ajouterait encore de la misère à des difficultés sociales, pour des familles déjà particulièrement précarisées. Une atteinte à nos principes fondamentaux déjà en cours, puisque certains parquets communiquent aux bailleurs sociaux des informations judiciaires sur des mineurs afin de faciliter l’expulsion locative des parents.
La LDH (Ligue des droits de l’Homme) dénonce donc le danger de cette proposition de loi discriminatoire et contreproductive et demande urgemment aux parlementaires de ne pas céder aux sirènes du populisme. Elle alerte par ailleurs sur les délais extrêmement longs de la mise en œuvre des mesures éducatives, faute de personnels éducatifs, et appelle le gouvernement à débloquer des moyens financiers à la hauteur des enjeux, en direction de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’aide sociale à l’enfance, afin au contraire de soutenir l’ensemble des acteurs concernés.
Paris, le 12 octobre 2023