Communiqué commun LDH et FIDH
Dans une décision historique rendue le 29 mars 2023, les juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris ont ordonné la mise en accusation devant la Cour d’assises de Paris de trois hauts responsables du régime syrien. Ali Mamlouk, Jamil Hassan et Abdel Salam Mahmoud sont accusés de complicité de crimes contre l’humanité et de délits de guerre dans l’affaire Dabbagh. Mazzen Dabbagh et son fils, Patrick, ressortissants franco-syriens, avaient été arrêtés puis détenus à l’aéroport de Mezzeh à Damas, par des agents du renseignement de l’armée de l’air syrienne en novembre 2013. En octobre 2016, Obeida Dabbagh, la FIDH et la LDH avaient déposé plainte, avec le soutien actif de SCM.
« C’est une grande victoire pour ma famille et pour toutes les victimes syriennes, qu’après toutes ces années de combat pour que la vérité éclate, les responsables de haut niveau soient enfin traduits en justice. J’appelle les autorités judiciaires françaises à organiser ce procès au plus vite », a déclaré Obeida Dabbagh, frère et oncle des disparus.
Cette décision ouvre la voie, pour la première fois en France, au procès de très hauts responsables hiérarchiques de l’appareil répressif syrien : Ali Mamlouk, chef des services secrets syriens et proche conseiller de Bachar el Assad, Jamil Hassan, directeur des Services de renseignement de l’armée de l’air syrienne et Abdel Salam Mahmoud, responsable des investigations dudit service à l’aéroport militaire de Mezzeh à Damas. Cet aéroport abrite un des lieux de détention les plus meurtriers en Syrie, selon la Commission d’enquête des Nations Unies.
En l’absence des accusés sur le territoire français, et au vu de la très faible probabilité que ceux-ci soient arrêtés avant le début du procès, celui-ci se tiendra très vraisemblablement par défaut.
« Après trois procès qui ont abouti à trois condamnations en Allemagne, il était temps que la France démontre sa volonté de contribuer à la lutte contre l’impunité des crimes commis en Syrie à l’encontre de la population civile. Au-delà de Patrick et Mazen Dabbagh, ce sont des centaines de milliers de syriennes et syriens qui ont trouvé la mort depuis le début du conflit syrien, notamment aux mains du régime de Bachar el Assad, et dont les familles attendent toujours que justice leur soit rendue », a déclaré Mazen Darwish, directeur général de SCM.
En octobre 2016, Obeida Dabbagh – frère et oncle des disparus – la FIDH et la LDH, avec le soutien de SCM, avaient déposé plainte pour dénoncer l’arrestation injustifiée, en novembre 2013, de Mazzen et Patrick Dabbagh, puis leur disparition. Le père et le fils avaient été emmenés au centre de détention de l’aéroport militaire de Mezzeh à Damas, réputé pour ses conditions de détention inhumaines et la brutalité de ses séances de tortures. La branche d’investigation des services de renseignements de l’armée de l’air syrienne y était dirigée par Abdel Salam Mahmoud.
Après leur arrestation, la famille de Mazzen et Patrick Dabbagh n’a eu aucune information quant au sort qui leur avait été réservé. Ce n’est qu’en juillet 2018 que les autorités syriennes ont émis des certificats de décès, selon lesquels Patrick et Mazzen Dabbagh seraient morts respectivement en janvier 2014 et novembre 2017.
En octobre 2018, les juges d’instruction en charge de l’affaire émettaient des mandats d’arrêts internationaux à l’encontre de Ali Mamlouk, Jamil Hassan et Abdel Salam Mahmoud pour leur responsabilité dans la disparition et la mort de Mazzen et Patrick Dabbagh.
« Cet aboutissement n’aurait pas été possible sans le courage et la détermination des syriennes et des syriens qui ont accepté de porter leur témoignage devant la justice française pour raconter la terrible réalité des crimes commis dans les geôles de Bachar el Assad. A l’heure où le régime syrien semble sortir impuni de toutes les atrocités commises, il est essentiel que ce procès, qui s’inscrit dans un long combat contre l’impunité, qualifie les crimes du régime et juge, même par défaut, ses plus hauts responsables » a déclaré Clémence Bectarte, avocate de la FIDH, de SCM et de la famille Dabbagh.
Au cours de la procédure, plus de 20 victimes syriennes ont témoigné devant la justice française, la plupart rescapées de la prison de Mezzeh. SCM a activement soutenu la procédure judiciaire, en communiquant notamment plusieurs témoignages, et en fournissant des informations précises sur les chaînes de commandement et la structure des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne au moment de la disparition de Patrick et Mazzen Dabbagh.
Nos organisations appellent les autorités compétentes à soutenir pleinement les procédures judiciaires en cours concernant les crimes commis en Syrie, notamment en veillant à ce que le cadre juridique applicable permette aux victimes d’accéder efficacement à la justice française et que celle-ci dispose des ressources adéquates pour mener ces affaires à leur terme.
« C’est une avancée conséquente, rendue possible parce que les victimes avaient la double nationalité franco-syrienne. Pour toutes les autres victimes, la loi française de compétence universelle présente de nombreux obstacles à l’aboutissement de procédures. Cela doit changer, il en va de la responsabilité des autorités françaises de modifier la loi » a déclaré Patrick Baudouin, président de la LDH et avocat de la FIDH et de la LDH.
Paris, le 4 avril 2023