Tribune collective, à l’initiative de la LDH, signée par 50 organisations et 54 personnalités signataires et publiée dans Libération
Le projet de loi confortant le respect des principes de la République est à nouveau examiné par l’Assemblée nationale, après l’échec de la commission mixte paritaire et une version durcie par le Sénat.
Nous alertons solennellement sur ce texte de division et de surenchère sécuritaire qui met gravement en péril l’équilibre réalisé par les grandes lois laïques de 1882, 1901 et 1905, avec des mesures dans tous les sens, soit imprécises, soit disproportionnées, qui sont dangereuses pour les libertés publiques de toutes et tous.
Nous nous alarmons de ce projet qui vient encore fragmenter la société française et jette une suspicion généralisée à l’encontre des personnes de confession musulmane, comme sur toutes les associations et les citoyennes et citoyens engagés.
Il est encore temps pour les députés, le gouvernement et le président de la République d’écouter toutes les inquiétudes exprimées, les vives critiques de la Défenseure des droits, du Conseil d’Etat, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, du Haut conseil à la vie associative, les fortes réserves de la communauté internationale, comme dernièrement celles du rapporteur général sur la lutte contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe.
Il est encore temps de tirer les leçons de la censure du Conseil constitutionnel sur la loi sécurité globale, qui a sanctionné l’article polémique sur le droit de filmer les forces de l’ordre plutôt que de le recycler sous une forme tout aussi douteuse dans ce projet.
Il est encore temps de refuser cette voie de tension et de défiance, un retour à une logique concordataire, une remise en cause de l’autonomie des collectivités territoriales, de la liberté associative et de la liberté d’expression.
Il est encore temps, en cette période de grave crise sanitaire et sociale, de renoncer à importer dans les entreprises privées liées par une commande publique des obligations qui relèvent par nature de l’Etat et de l’administration, en obligeant une neutralité politique et religieuse à des millions de salariés en dépit du droit européen qui interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions au sein des entreprises.
Il est encore temps de réaffirmer une confiance envers le monde associatif, essentiel à la cohésion sociale et à la solidarité, plutôt que de le fragiliser en imposant un « Contrat d’engagement républicain » décrété par le seul gouvernement, qui ouvre à l’arbitraire et aux contrôles abusifs par des élus locaux délégués à un pouvoir de police morale et de la pensée.
Ce projet de loi, s’il était adopté, porte les germes de sombres perspectives que nous refusons.
Nous appelons, au contraire, à une démocratie vivante et pacifiée, à un dialogue social et civil riche de notre diversité, restant tous profondément attachés aux principes fondamentaux de notre République solidaire, démocratique et sociale et à des libertés publiques égales pour toutes et tous.
Premiers signataires :
Ligue des droits de l’Homme (LDH), Confédération générale du travail (CGT), Fédération syndicale unitaire (FSU), Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat national des journalistes (SNJ-CGT), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social à la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU), Union nationale des étudiants de France (Unef), Union syndicale Solidaires, Action non violente – Cop21 (ANV-Cop21), Alternatiba, Anticor, Assemblée citoyenne originaires de Turquie (Acort), Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), Association des travailleurs Maghrébins de France (ATMF), Association des Tunisiens de France (ADTF), ATD Quart monde, Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim), Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), la Cimade, Collectif des associations citoyennes (Cac), Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Coordination nationale Pas sans nous, Droit au logement (Dal), Emmaüs France, Fédération des associations de solidarité avec tous-tes les immigré-e-s (Fasti), Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), Fédération nationale de la Libre Pensée, Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Femmes égalité, Fondation Copernic, Fondation Danielle Mitterrand, France nature environnement (FNE), Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP), Greenpeace France, Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), Lallab, Médecins du Monde, Memorial 98, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), les Petits débrouillards, le Planning familial, la Quadrature du net, Secours catholique – Caritas France, SOS Racisme.
Signatures individuelles, premiers signataires :
Philippe Aigrain, auteur et éditeur ;
Gérard Aschieri, ancien secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) ;
Emma Aubin-Boltanski, directrice de recherche au CNRS ;
Yves Aubin de la Messuzière, ancien ambassadeur de France, président d’honneur de la Mission laïque française ;
Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris ;
Jean Baubérot, historien et sociologue français, spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité ;
Miguel Benasayag, psychanalyste et philosophe ;
Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France ;
Laurent Cantet, cinéaste ;
Claude Calame, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ;
Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de droit public et sciences politiques à l’université Paris Diderot ;
Dominique Clémang, avocate au barreau de Dijon, bâtonnier de l’Ordre 2018-2019 ;
Maxime Combes, économiste ;
Olivier Compagnon, professeur d’histoire contemporaine à l’université Sorbonne nouvelle ;
Marie Cosnay, autrice ;
Marie Cuillerai, professeur de philosophie à l’université de Paris ;
Mireille Damiano, avocate au barreau de Nice, ancienne présidente du Syndicat des avocats de France (Saf) ;
Jean-Michel Delarbre, co-fondateur et militant du Réseau éducation sans frontière (RESF) ;
Laurence De Cock, historienne et membre du Comité central de la LDH ;
Bernard Defrance, philosophe ;
Stéphane Douailler, professeur émérite de philosophie à l’université Paris 8 ;
Jean-Michel Ducomte, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Toulouse ;
Mireille Fanon-Mendes France, ancienne experte de l’Onu, présidente de la fondation Frantz Fanon ;
Didier Fassin, professeur à l’Institute for advanced study de Princeton et titulaire de la chaire annuelle de santé publique du Collège de France ;
Eric Fassin, sociologue à l’université Paris 8 ;
Benoit Garcia, vice-président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) ;
Cécile Gondard-Lalanne, membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese) au titre de l’union syndicale Solidaires ;
Bernadette Groison, membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese) au titre de la FSU ;
Cédric Herrou, responsable d’Emmaüs-Roya ;
François Journet, psychiatre ;
Françoise Lorcerie, directrice de recherche émérite au CNRS, spécialiste des questions scolaires ;
Myriam Laïdouni-Denis, co-fondatrice de l’Association nationale villes et territoires accueillants (Anvita) ;
Henri Leclerc, avocat et président d’honneur de la LDH ;
Joris Mathieu, directeur du théâtre Nouvelle génération, centre dramatique national de Lyon ; René Monzat, pour la Commission Islam et laïcité ;
Gérard Mordillat, écrivain et cinéaste ;
Marie-Noëlle Orain, membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese) au titre de la Confédération paysanne ;
Edwy Plenel, journaliste ;
Gilles Porte, cinéaste ;
Philippe Portier, ancien directeur du Groupe sociétés, religions, laïcités du Centre national de recherche scientifique (GSRL – CNRS), directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études et titulaire de la Chaire « Histoire et sociologie des laïcités » ;
Anne Rochette, artiste et professeure à l’école nationale des Beaux-arts ;
Patrice Rolland, professeur émérite de droit public ;
Joël Roman, philosophe et essayiste ;
Frédéric Sawicki, professeur de sciences politiques ;
Barbara Stiegler, professeure des universités en philosophie politique ;
Hocine Tandjaoui, écrivain ;
Annie Tobaty, ancienne inspectrice générale de l’Education nationale ;
Maryse Tripier, sociologue ;
Anaïs Vaugelade, autrice, illustratrice et éditrice ;
Fabien Vehlmann, scénariste de bande dessinée ;
Patrice Vermeren, professeur émérite au département de philosophie de l’université Paris 8 ; Dominique Vidal, journaliste et historien ;
Patrick Viveret, philosophe et magistrat honoraire ;
Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches émérite au CNRS.
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Paris, le 15 juin 2021