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En mai 2013 était organisée la première journée de “Marche contre Monsanto”. Dix ans plus tard, la lutte continue. Samedi 20 mai 2023 avait lieu la onzième journée de mobilisation contre Monsanto, contre Bayer et contre l’agro-industrie. Le nom de cet événement annuel a changé en 2018, après l’acquisition de la multinationale américaine Monsanto par la multinationale allemande Bayer. Ces multinationales de l’agro-industrie fournissent des OGM et des pesticides dans le monde entier. Le nom Monsanto est notamment associé à l’affaire de désinformation des Monsanto Papers et au drame de l’agent orange pendant la guerre du Vietnam.
Le complexe agro-industriel maintient sous son emprise un monde agricole qui se réduit comme peau de chagrin. C’est un mirage d’avoir fait croire aux paysans et paysannes que travailler avec et pour l’agro-industrie leur permettrait de s’émanciper de la nature, de se libérer des astreintes et du labeur, d’améliorer leurs conditions de vie. La réalité est tout autre :
Combien de paysans et de paysannes sont tombés sous le joug de la nécessaire augmentation de productivité pour maintenir un revenu en permanence pressurisé ? Combien de paysans, combien de paysannes ont été aliénés à ce système agro-industriel par des emprunts, par des investissements, par des achats d’intrants et de matériel jusqu’à perdre toute autonomie ? Combien de paysans, combien de paysannes ont disparu depuis des décennies de productivisme pour faire de la place aux plus « performants » ? Les plus « performants » améliorant leur productivité par l’utilisation de pesticides, d’engrais, de semences brevetées, de médicaments ; par l’achat d’outils mécaniques de plus en plus grands, de robots remplaçant les travailleurs ; par la numérisation et « l’intelligence artificielle » se substituant aux savoirs et capacités de réflexion des humains.
La science est régulièrement appelée à valider cette orientation. Produits phytosanitaires « protégeant les cultures », traitements et vaccins participant à la biosécurité des élevages, manipulations génétiques pour « améliorer » le potentiel des plantes ou celui des animaux, voire pour remplacer la viande par des protéines synthétiques.
Pour asseoir cette mainmise sur le monde agricole et la faire perdurer, une partie de la science, les politiques publiques et un certain nombre de médias sont au service de l’agro-industrie et participent de fait au complexe agro-industriel qui prétend décider de notre alimentation pour maximiser ses bénéfices à court terme.
Ces bénéfices, nous les payons dans nos corps, dans nos vies orientées ; nous y sacrifions notre environnement, la biodiversité, l’avenir de l’humanité. Il y a nécessité et urgence à se libérer de l’influence des multinationales et de leurs sbires qui se fichent de nos besoins, qui se fichent de nos envies, qui se fichent de la Terre et de la Vie. Des multinationales qui disposent de moyens de pression officiels relayés par la répression policière, ou mafieux comme le prouvent l’omerta constatée sur certains sujets et les attaques contre l’agriculteur Paul François ou la journaliste Morgan Large. Des multinationales qui possèdent l’argent nécessaire pour payer une armada d’avocats, comme dans le procès de Tran To Nga contre les fabricants de l’agent orange (dont Monsanto), puissant herbicide défoliant contenant une dioxine mortelle qui a causé un écocide au Vietnam. Des multinationales qui comptent aussi sur la complicité de l’État français comme dans le scandale sanitaire et néocolonial du chlordécone, qui a empoisonné toute la population aux Antilles. Des multinationales, qui avec la complicité des États et de la Commission Européenne mettent sur le marché des produits avec une dangerosité sous-évaluée, avec une toxicité pouvant être supérieure de 1000 fois à celle déclarée.
Pour avoir les moyens de choisir notre alimentation et la façon dont elle est produite, pour nous émanciper des pesticides qui contaminent l’eau, déciment les pollinisateurs, stérilisent les sols et causent cancers et autres maladies graves, pour arrêter l’utilisation abusive d’antibiotiques, qui menace notre santé, pour stopper les brevets qui entravent ou confisquent un travail de sélection paysanne millénaire, pour atteindre la souveraineté alimentaire au sens de la définition de la Via Campesina, il nous faut changer les règles, changer le cadre de notre société.
Des batailles contre le néolibéralisme sont portées partout dans le monde par des paysans et des paysannes, des personnes qui vivent en milieu rural et veulent se libérer du carcan de l’agro-industrie qui ruine leur vie et leur environnement. Ces batailles sont aussi portées ici.
Pour remplacer cette agro-industrie pourvoyeuse d’une alimentation en quantité plutôt qu’en qualité, il faut revisiter les politiques publiques agricoles, installer un million de paysans et de paysannes dans nos campagnes et leur garantir un revenu suffisant. Installer un million de personnes qui vivent de leur travail, pour répondre aux multiples défis de l’agriculture : assurer une alimentation de qualité en se passant des intrants chimiques, en préservant nos communs, en respectant la biodiversité, en participant à la lutte contre le dérèglement climatique, en faisant vivre les territoires ruraux.
Non à Monsanto-Bayer, non à l’agro-industrie ! Un million de paysans et de paysannes pour la vie !
Signataires:
Organisations : Alternatiba Caen, Attac, Bio consom’acteurs, CADTM France, Chrétiens Unis pour la Terre, Collectif Collages Judéités Queer, Collectif Lorient Marche contre Bayer-Monsanto, Collectif Vietnam-Dioxine, Combat Monsanto, Confédération paysanne, Coordination EAU Île-de-France, Eau et rivières de Bretagne, Extinction Rebellion Boulogne-sur-Mer, Extinction Rebellion montagne noire, Extinction Rebellion Paris Est, Extinction Rebellion Yvelines est Sud, Fédération Nature&Progrès, FSU, Greenpeace Paris, ISF Agrista, La Nature en Ville l’environnement en Ille et Vilaine, Les Ami.e.s de la Confédération paysanne, Les Coquelicots de Caen, Ligue des droits de l’Homme, MIRAMAP, Nature et Progrès, Objectif Zéro OGM, OGM dangers, One Voice, Réseau Environnement Santé, Secrets toxiques, Scientifiques en Rébellion, Sillage: mouvement des jeunes pour l’agroécologie, Slow Food France, Stop Monsanto Marseille, Terre de Liens,Union nationale de l’apiculture français, Voix Déterres.
Personnalités : Alexis Balembois, Paule Benit (ingénieure de recherche à l’Inserm), Benjamin Bibas (fondateur du festival Ciné-Jardins), Taha Bouhafs (journaliste), Lucien Bourget, Jacques Caplat (secrétaire général d’Agir Pour l’Environnement), Aude Carreric (chercheuse en sciences du climat), Mathieu Chassé (maître de conférences, Sorbonne Université), Camille Chaudron (influenceuse engagée), Romain Couillet (professeur des universités à l’Université Grenoble-Alpes), Damien Deville (géographe et anthropologue), Gilles Frison (citoyen), Charles Girardin (ancien conseiller régional), Adeline Grand-Clément (historienne), Gérard Halie (membre du Bureau National du Mouvement de la Paix), Bernard Loup (président du Collectif pour le Triangle de Gonesse, CPTG), Stéphanie Mariette, Céline Meresse (présidente du CRID), Georges Martel, Francis Nativel (président d’Eau & Rivières de Bretagne), Roxane Nonque Casulleras (fondatrice du média et agence Dearlobbies), Laure Noualhat (journaliste), Aura Parmentier Cajaiba (maîtresse de conférence Stratégie et Organisation), Arnaud Poublan (docteur en neurosciences), Marie-Monique Robin (documentariste, écrivaine), Leslie Rogers, Pierre Rustin (directeur de recherche CE au CNRS), Coline Serreau (réalisatrice, actrice, scénariste), Valérie Sion, Jérémie Suissa (délégué général de Notre Affaire à Tous), Jacques Tassin (écologue), Hélène Tordjman (économiste), Florence Volaire.
Personnalités et partis politiques : Julien Bayou (député écologiste de Paris), François Béchieau (maire-adjoint du 19e Arrt de Paris, secrétaire national du Mouvement des Progressistes (MDP)), Marlène Collineau (adjointe (GDS) à la santé de la Ville de Nantes), Alma Dufour (députée LFI de Seine-Maritime), Gérard Filoche (porte-parole de la Gauche démocratique et sociale (GDS)), Gauche démocratique et sociale (GDS), Béatrice Hovnanian (conseillère municipale à Caen), Jean-Yves Lalanne (maire GDS de Billère, Pyrénées-Atlantiques (64)), Mouvement des Progressistes, Nouvelle Donne, Marie Pochon (députée de la Drôme).
Paris, le 24 mai 2023