Communiqué LDH
L’affaire du « boulanger de Besançon », en grève de la faim pour soutenir son jeune apprenti Laye Fodé Traoréiné menacé d’expulsion, remet une fois encore dans l’actualité la situation des mineurs non accompagnés (MNA) lorsqu’ils arrivent à l’âge de la majorité. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) salue l’engagement de ce jeune, de son employeur et des dizaines de milliers de personnes qui ont déjà signé la pétition demandant la régularisation du jeune Guinéen et de toutes celles et ceux qui sont dans la même situation.
En France, ils sont des centaines, voire des milliers, dans des situations semblables. Ces jeunes arrivés mineurs sur notre territoire, souvent après des parcours difficiles et douloureux, manifestent un courage exemplaire pour surmonter leurs malheurs, se former, travailler… C’est quotidiennement qu’enseignants, formateurs, employeurs, camarades de classe ou de travail constatent cet engagement et leur expriment leur solidarité.
Et pourtant ils sont victimes d’un double déni de droit.
Quand ils arrivent en France, leur minorité est systématiquement contestée par beaucoup de départements et ils ne peuvent bénéficier de la protection due à tout mineur isolé sur le territoire français (près d’une demande de prise en charge sur deux est rejetée). Trop nombreux sont celles et ceux qui doivent alors se débrouiller par eux-mêmes pour survivre, se soigner, se loger, entamer un parcours de formation…
Dans une enquête dont les résultats viennent d’être publiés, la Cour des comptes « dresse un panorama critique de leur prise en charge, éloignée des objectifs attachés à la protection des enfants », souligne que « les conditions d’évaluation de la minorité et d’isolement s’avèrent très hétérogènes selon les territoires » et soulève « la question de l’égalité d’accès au droit »[2].
Quand ils atteignent leur majorité, une deuxième épreuve les attend. Leur identité est une nouvelle fois mise en doute, même si elle avait été reconnue au départ par un juge des enfants, leurs documents d’état civil sont régulièrement contestés, même lorsqu’ils ont été validés par les autorités de leur pays d’origine ou on leur demande de nouveaux documents, souvent impossibles à obtenir.
C’est ainsi que des jeunes formés, qualifiés, et insérés sont expulsés ou se retrouvent réduits à la clandestinité : triste gâchis humain et social.
La LDH demande que les mineurs isolés arrivant en France soient pris en charge immédiatement dans le respect des droits de l’enfant, que le doute concernant leur âge soit considéré comme une présomption de minorité conformément à la Convention internationale pour les droits de l’enfant (Cide) et qu’ils bénéficient d’une évaluation bienveillante de leur situation, et d’une présomption de bonne foi, sans recours à des techniques dont la fiabilité est mise en cause. C’est pourquoi la LDH demande notamment l’interdiction des tests osseux et l’arrêt de l’utilisation des fichiers d’empreinte Visabio qui ne permettent pas de conclure à la majorité du jeune.
La LDH demande en outre que tous les mineurs engagés dans un parcours de formation initiale ou d’apprentissage, qu’ils aient été ou non pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, bénéficient d’un titre de séjour au moment de leur majorité.
Elle rappelle que tous les mineurs doivent être considérés de la même façon quels que soient leur statut et leur nationalité.
Paris, le 11 janvier 2021
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Signer la pétition « A Besançon, un boulanger se bat contre l’expulsion de son apprenti guinéen »