Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Le vendredi 13 mai, jour de la commémoration des attentats de novembre 2015, la mairie de Verdun a annoncé l’annulation du concert de Black M programmé le 29 mai pour la commémoration de la bataille de Verdun, en présence du président François Hollande et de la chancelière Angela Merkel. Les Français aiment les commémorations : elles leur rappellent qu’ils ont jadis fait preuve de courage. Ce serait mieux s’ils en faisaient preuve aujourd’hui.
Car il s’agit de courage. Samuel Hazard, maire de Verdun, a invoqué des « risques forts de troubles à l’ordre public » face au « déferlement de haine et de racisme » suscité par la venue d’un rappeur dont les chansons, il y a six ans, avaient suscité la polémique. Des personnalités médiatiques de droite et d’extrême droite ont multiplié les communiqués et les pétitions et se sont, par la suite, bruyamment félicitées de l’annulation du concert.
On peut comprendre la peur. Recevoir le Président français et la chancelière allemande dans une cérémonie d’ampleur internationale entraîne, pour la mairie, des contraintes peu compatibles avec la témérité. Mais qui, en l’occurrence, trouble l’ordre public ? Un chanteur invité officiellement par la mairie ou ceux qui déclenchent une campagne médiatique haineuse pour sa venue ?
On peut comprendre la peur. Elle n’est pas toujours où l’on pense. Face à une attaque en règle, Samuel Hazard s’est retrouvé singulièrement isolé. La Mission du Centenaire a retiré la subvention au concert ; Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, a souligné que le concert ne faisait pas partie des commémorations officielles et avait été programmé « en marge » des cérémonies. Cela s’appelle un lâchage en règle.
La seule réponse à la peur est le courage. Annuler ce qui se voulait « un rendez-vous populaire et tourné vers la jeunesse » suite à des communiqués, des pétitions et des harcèlements personnels, c’est accepter que des censeurs imposent leur loi à l’ensemble de la population et aux représentants de la République. Est-ce cela, la France dans laquelle nous voulons vivre ?
Des réactions indignées se sont déclarées après cette annulation. C’est le début du courage. Certaines ont demandé le maintien du concert, c’est déjà mieux. Le président de la République, trop tardivement, a assuré le soutien de l’Etat pour maintenir l’ordre public. Mais la peur avait fait son travail : le maire a maintenu sa décision d’annulation.
Que nous appréciions ou non les concerts de Black M, que nous ayons ou non été heurtés dans le passé par des prises de position sur lesquelles il est ensuite revenu, c’est notre devoir de soutenir la liberté de création d’un chanteur et la liberté de programmation d’une mairie. Oui, il faut du courage à un maire pour maintenir sa politique culturelle face à un tel déferlement de haine : il n’a pas à l’assumer seul. L’Observatoire de la liberté de création, fort des nombreuses organisations et personnalités qui le composent, l’assure d’ores et déjà de son soutien s’il revoit sa décision et s’il reprogramme ce concert. Contre la haine et le racisme, la solidarité doit triompher.
Paris, le 19 mai 2016